Amstrong Street, number 9

Vern est du genre gaillard, du genre robuste comme l'enfoiré d'érable, du genre à se faire déchiqueter par une grenade et se prendre une volée de plomb dans la carcasse et accuser le coup seigneur en sortant une bonne vanne, comme dans les excellents films en VHS qu'il vend au Haïti's Bistro.

Simplement la réalité se doit de reprendre ses droits, et c'est un corps s'apparentant à une masse de chair à nu qui s'écrase contre la voiture.. Il a mal, il a très très mal.. Ce plan puait l'embrouille et voilà qu'ils sont tombés sur un putain de commando d'élite comme dans ses films, toujours.

L'homme invisible - que l'on appellera le Punisher - l'est toujours, invisible, enfin du moins d'après la vision embrouillée du gangster.. Le plus étonnant étant que la petit gothique vient elle aussi d'être frappée du même pouvoir.. Des balaises, de vrais pros.
Il faut se méfier, ils sont certainement partis chercher leur Panzer garé pas loin.

Un coup d'oeil, il aperçoit Lilia, le boss semble barricadé dans sa barraque. Bon, opération exfiltration... Sauf qu'à ce moment précis il y a deux putains de nègres à sauver, Vern n'est franchement pas en état de jouer au gangster qui maîtrise, plus maintenant.

Comment le plan a t-il pu foirer ? Parce qu'il était justement foireux ? Possible.

Nouveau coup d'oeil, la voie semble libre. Bizarre. Ne comptez pas sur Vern pour s'approcher, non pas qu'il soit soudain devenu suffisamment intelligent pour savoir qu'on ne surprend pas le Punisher et sa petite soeur comme ça, d'autant qu'un pareil champion pourrait lancer une grenade dans une boite de conserve placée à 500 mètres, non, il n'a simplement plus la force de bouger, il accuse le coup et sévèrement.

Nouveau coup d'oeil vers Lilia, peut-elle quelque chose pour lui ? après tout ils sont devenus de sacrés complices, un duo hors pair, Du genre à qui on la fait pas.

Il en avait presqu'oublié le gamin dis donc, qui arrive pied au plancher vers la maison, et selon l'ordre de Vern - lequel il vaut pourtant mieux éviter d'écouter - il fonce direction la pelouse...

Brave gosse.
Mourir si jeune.


La nuit est douce, du genre à arpenter les rues, de bar en bar, à draguer les passantes pour finalement aller aux putes, comme d'habitude.
S'il s'en sort, il épouse Suzan, paf, c'est décidé.. Ils feront une fiesta d'enfer au Haïti's... ça aura de la gueule, ils mettront la déco de noël alors qu'on sera en mai...

Vern reprend ses esprits.. Ne pas perdre connaissance.. Ne pas perdre connaissance....

Putain, chiottes, enculés !

Voici en trois mots le résumé de ma pensée lorsque Superconnard nous fait faux bond, toujours frais comme un gardon en ayant le temps en plus d’emporter sa salope avec lui. Enfin, elle, au moins, je l’ai pas loupé. En plein dans la jambe ! Essaye de courir avec ça maintenant, pétasse ! Mais ça, c’est sans compter sur son bon chevalier qui lui sert de jambes et va se planquer je ne sais où dans une de ces putains de ruelles. C’est fort, très fort. Je sais pas vous mais moi, il commence à me taper sur les nerfs notre bonhomme avec ses méthodes de pro. Manquerait plus qu’il fasse virevolter son flingue avant de tous nous abattre d’une balle circulaire. Merde, on est pas dans un film.

Puis l’autre, le Sullivan, il est en train de caner sur ce putain de bitume. Puis, il dit des trucs sans queue ni tête. Je sais pas ce qui cause mais ça m’énerve. T’es pas encore au putain d’enfer mon vieux même si ça y ressemble. Je lui mets une claque dans la tronche. Ouais, c’est moins sympa que le bouche-à-bouche comme façon de garder connaissance mais ça marche pareil puis si ça peut nous le mettre en rogne c’est pas mal non plus. En attendant qu’il veuille bien m’accorder une audience, je vais trouver le petit con qui nous a mis dans la merde pour lui dire d’aller voir son vieil enculé de patron pour profiter du temps où on a le champ libre.

Bon, Sullivan, je crois qu’on a assez joué les héros pour aujourd’hui, j’sais pas toi mais moi j’suis pour foutre le vieux dans la caisse et m’arracher en laissant le p’tiot se démerder avec tout ça.

Ouais, c’est lâche et je m’en fous, j’suis pas suicidaire. Vais pas me jeter à la poursuite des deux énergumènes par acquis de conscience. J’suis rancunière mais y a un moment où faut savoir faire la part des choses. Bref, j’attends pas que Sullivan rampe derrière moi, je rentre précautionneusement dans la maison en vérifiant bien que je me fasse pas surprendre par un connard planqué. C’t un peu la panique à bord aussi à l’intérieur mais va falloir gérer le truc. Je dis au petit d’aller démarrer la bagnole en faisant gaffe puis, moi, je m’occupe de sortir le vieux.

Extraction, première tentative. Je sors devant le vieux suivi de son dernier homme de main vivant. A priori, pas la mer à boire, quelques pas, rentrer dans la bagnole et hasta la vista baby ! Seulement, je pense pas que les deux zigotos jouent à cache-cache très longtemps …

La respiration commence enfin à s'calmer. L'adrénaline retombe petit à petit et ça fait pas tant de bien que ça. J'ai l'impression qu'on m'a pompé jusqu'au trognon sans avoir l'élémentaire politesse de me caresser le petit frère. J'ai plus de jus. Faut croire que j'en ai eu assez pour la soirée. V'la enfin que le palpitant commence à reprendre un rythme à peu près cool, bien adapté à ma fatigue.





Mais qu'est-ce que j'raconte, bordel ? On a essayé de violer mes droits dans une mission pourrie. Qu'il essayent un peu de se ramener ici et on verra lequel de nous aura l'faciès tout barbouillé d'écarlate. J'vais le repeindre façon art-déco. Et quand j'repense au vioc' qui doit être en train de se la couler douce dans sa villa ... J'le retiens le Padre avec ses plans foireux. Il envoie une tueuse exfiltrer un boss protégé comme Ben Laden. Oussama pas l'air joli-joli tout ça.


En parlant de la tueuse, je me demande combien de temps elle va mettre avant d'me claquer dans les bras. Sans compter qu'elle va me dégueulasser la banquette et qu'avec l'arsenal qu'elle s'est pris dans le buffet, faut pas s'attendre à ce que le séjour à l'hôpital fasse des miracles. Sans doute pour la première fois, j'me surprends à détourner mon attention du début de la ruelle pour lui en toucher un mot:

" On va t'extraire de là. "

Y a plus délicat comme manière d'annoncer les choses mais j'pense qu'elle comprendra que j'suis pas là pour faire dans la dentelle la plus raffinée. Mon regard se porte vers l'Enfer qu'on vient de quitter. Ca risquerait de dégénérer rapidement cette affaire si jamais quelqu'un se pointe. Là, je ressens le poids déséquilibré de la gamine. Elle a encore un Berreta dans une main.

J'hésite un peu.

Pas plus de trois secondes en fait.

Ma main gauche lâche la gamine et vient envelopper la main de la donzelle. Pute de vierge, elle commence déjà à se refroidir... Je saisis le beretta et doucement retire ma main. J'la sens se cramponner.
J'me demande même pas pourquoi j'ai envie que cette femme vive. La mission a foiré et dans ces cas-là, la plupart des délinquants laisseraient juste leur camarade crever la gueule ouverte. J'me dirige vers le tréfonds de la ruelle.

Pour le moment, c'est vraiment pas gagné mais j'aurais vraiment aimé pouvoir leur pourrir un peu plus la santé histoire qu'ils se souviennent de mon genre d'intervention. Mais m'est avis qu'on risquerait de se revoir ... Et très très bientôt. Enfin bon, d'abord, j'vais faire ce que j'me suis dit que j'allais faire, à savoir dégager la gamine de là. C'est pas mon genre de la laisser claquer sur le trottoir, d'une parce qu'elle peut bavarder sur mon compte, de deux parce que j'trouve ça indigne. Ouais, j'ai aussi l'droit d'avoir des principes. Bon, on a déjà parcouru un bloc. Mes cannes arrivent à me soutenir. J'me retourne d'un large mouvement histoire de scruter l'arrière de la ruelle... Petite pause, histoire de ...

Un léger grognement se fait entendre. Comme si ça chagrinait presque le mercenaire qu'il y ait pas une ou deux peaux à trouer façon philtre de Raffarin (parce que ...Jean-Pierre sait faaaire du bon café, Il suffit deee lui demander). Il reprend donc sa course. La pause ne semble pas lui avoir coupé les pattes. On dirait presque qu'avec deux flingues en pogne, il a changé de peau, il est retourné dans son monde. Il esquive une poubelle renversée sur le sol d'un bond assez élégant pour quelqu'un ayant un poids sur les épaules et tourne sec au bout du bloc. Il continue à avancer sans donner trop d'à-coups... Mais la raideur de sa démarche trahit une certaine appréhension. Ca a beau être un fantôme capable de balancer une grenade dans une boite de conserves à 500 mètres, c'est comme tout ... Ca doit faire dans les dix heures qu'il a pas visité le petit-coin...

C'est-y pas qu'elle a décidé de me jouer le mauvais tour de me griller dans les pattes, celle-là ? Foutral de foutre, ça m'emmerde ça ... Ca fait un bloc qu'on a quitté la ruelle. Dans mes souvenirs, la bagnole est pas loin. Me reste à tourner au coin et à courir encore un peu.

Bien. L'étalon m'attend sagement. Désolé, donzelle, c'est pas le top du top en bagnole mais ça suffira pour nous emmener loin de ce merdier. Arrivé devant la Mustang, je rengaine mon règle-comptes en soupirant un peu. J'aime pas me retrouver avec une pétoire que j'connais pas dans un endroit qui me veut pas forcément du bien, mais bon. Je me penche un peu, aussi doucement que possible, pour déposer la donzelle sur ses cannes. Enfin, sur sa jambe valide parce que l'autre m'a l'air d'avoir envie de jouer au geyser. Ouverture de portière - si madame veut bien se donner la peine d'entrer - attention la terre est basse - la voila installée à la place du mort.

J'fais le tour du véhicule en regardant autour de moi, pas un chat, nada et j'avais eu la présence d'esprit de me ranger à l'ombre. Faudrait pas que ça préfigure un futur passage en taule c'te métaphore à deux dollars. Une fois au volant, je risque un coup d'oeil vers la gamine. J'ai vache envie de balancer un putain de commentaire acide mais c'est vraiment pas l'moment. D'une, je suis énervé, de deux elle a pas toute sa tête et ce s'rait dommage de me retrouver éparpillé un peu partout dans la bagnole s'il s'avère qu'elle manque d'humour. L'étalon hennit doucement et nous emmène tranquillement sur la route. Toute façon, y a rien à faire d'autre pour le moment que de rouler sans s'faire remarquer.

Dans ma tête, le genre de pensées pas catholiques se bousculent. J'aurais dû sacrifier encore une grenade et la balancer dans c'te putain de caisse contre laquelle s'étaient retranchés les deux comiques. Putain de nom de dieu, ça aurait été sympathique comme tout cette affaire. J'imagine le désordre... Mais au lieu de ça, j'me retrouve à jouer les nounous et v'là 4000 biftons verts qui m'passent sous le nez. C'est-y pas malheureux ma ptite dame ?

Bien, après de courtes tractations, Lilia réussit à faire sortir le vieux qui tient encore en main son M16 fumant...

Le gamin lui explique la situation, il hoche de la tête et signale qu'il a une planque sûre sur les docks. Il invite donc la cantonnade à s'y rendre, il pourra s'y occuper des blessures de Vern.

Il parle avec une voix grave, très calme. Comme si tout allait bien. Soit il n'a pas consience qu'on vient de tenter de le tuer, soit c'est un mec très réfléchit... Et les inconscients ne faisant pas de vieux os, c'est plutôt la seconde solution qui est la bonne. Moine de deux minutes après, l'Impala se gare devant la maison qui commence à brûler le vieux ne veut pas laisser de traces derrière lui.

Un incendie de plus ce soir, ce n'est après tout que le deuxième.

Le vieux dit au gamin de rejoindre la "maison de campagne. Le gosse s'exécute et l'Impala roule en direction des East Suburbs. Les quatre personnes présentes sont légèrement tendues et repensent aux événements qui venaient de se passer. C'est clair que c'est pas tous les jours qu'on se retrouve impliqués dans ce genre de fusillade bien burnée.
On repense à ce qui a merdé, à comment on en est sortis, à qui étaient ce mec sorti de nulle part et cette gamine sur le pavé.
Seul le vieux a l'air calme, presque serain ... Il réfléchit longuement pendant tout le trajet.

Dieu que c'est long quand personne ne pipe mot.

Alors ça roule, ça roule et on arrive péniblement à l'endroit indiqué. Personne n'a débarqué de nulle part pour carrer une grenade dans le pot d'échappement, personne n'a tir de rafales d'automatique contre la bagnole... Ce fut un voyage tranquille ... Presque ... Normal.

379 Jackson Drive

J'arrive à l'endroit où a eu lieu la troisième guerre mondiale, en un peu moins de trente minutes. Je jette un coup d'oeil aux alentours, la neige a recouvert pas mal de traces mais on voit encore que la Police est passée par là aux bandes jaunes qu'elle a laissé un peu partout.

Je m'avance prudemment vers la baraque, mais rien ne semble indiquer qu'elle est occupée. Je rentre dans la petite maison qui m'avait causée tant de problèmes avec presque un petit pincement de colère. Si seulement ça avait été aussi simple. En parlant de pas simple je me demande ce qui est advenu mon collègue, aucune nouvelle depuis qu'il m'a déposé, rien, c'est comme s'il s'était volatilisé. Bah après tout, s'il veut me contacter, il sait où je crèche, c'est pas comme si c'était top secret.

Je commence par la pièce principale en bas mais en furetant de-ci, de-là, je me rends compte qu'à part quelques objets banals et inutiles, la Police a tout embarqué, ou bien c'était le vieux. En tous cas rien dans ce qui semble être le salon. Je passe dans la pièce d'en face quand j'ai l'impression d'entendre un bruit venant de l'étage.

Je sors mon P99 me planque derrière le chambranle du salon et attend quelques secondes mais rien. Je suis peut-être trop parano, n'empêche...
Toujours avec mon flingue à la main, j'avance prudemment et monte les escaliers, heureusement ils ne font aucun bruit, sinon ça serait râté pour l'effet de surprise...