Retrouvaille...

Effectivement, du fond de la cuisine, on entend quelques bruits puis un petit silence. Une voix sonore, profonde, s'élève alors du lieu avec un accent teinté de surprise. Un accent presque ... mielleux comme le vin du Sud, si épais qu'on pourrait le palper. L'émotion a une incidence certaine sur la voix du bonhomme. Même si le ton en lui-même reste relativement neutre, toute la chaleur de la Sicilia, amplifiée par les couleurs du Siparino, envoûte le lieu et résonne encore

" Mickey ? Que Mickey ?

Oh Micky ! Micky ! Micky ! Que piacere de te voir ici en bonne santé ! Bienvenue ! Bienvenue ici, figliomio* ! "

Il m'a flanqué una peur bleue. Je me demandais q'il avait bien reçu mes aides. Sacré foutu Mickey ! C'est bon d'le revoir ici ! L'accent du pays reprend le Sud et en quelques secondes, j'me retrouve en train d'le serrer dans mes bras en lui donnant qualche claques dans le dos. Micky, Micky ! Que piacere ! Sempre, il s'entretient sa montagne de muscles noueux comme le chêne. Un vero athlète. Micky !

" Je commençais à me demandare si tu avais bien réussi ton escapade. Il faut que tu me racontes. Mais avant, laisse-moi t'offrir un bicchiere. Vodka sec ! Contrairement aux usages de tu paese*, vero ? "



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figliomio: fiston
tu paese: ton pays

Le Sicilien s'est servi un alcool du pays puis s'est assis sur une des tables à l'écart avec son ami sur les talons. De bonnes vraies retrouvailles qui illuminent un peu la journée. Déjà, l'irlandais lui cause et l'italien sourit gentiment. C'est comme un figuier en Sicilia: ça a l'odeur qui porte loin, c'est accueillant, ça vous laisse venir tout en restant silencieux. Puis, il commence à remuer son ramage et s'accoude sur la table, l'air sympathique. Un petit sourire lui barrant le visage. Sa main, paume vers la table, monte et redescend lentement, signe de calme ...

" Chaque chose en son temps, Micky ... On aura tutto il tempo de discutare affaires, surtout que c'est assez ... compliqué ... Dis-moi primo comment tu t'en es sorti jusqu'ici, je voudrais avoir la confirmation que ceux qui voulaient avoir ta peau ne sont pas assez fous pour venire la réclamer ici ! "

Sacré Micky, toujours pronto à fare les choses plus vite que son ombre, lui... Il ne sait pas prendere il tempo ... On aura ce qu'il faut pour discuter d'affaires et du quartier. Mais per il momento, je dois savoir. Je m'inquiète pour le piccolo. Il a beau avoir un corps d'acier, c'est pas comme s'il était invulnerabile ... Je préfère attendre sa réponse. Histoire de voir si je le fais retomber dans un merdier plus grand que celui où il se trouvait.

Le Sicilien sait qu'il ne doit pas attendre beaucoup de détails. Il sait que l'omertà règne en ce coin de pays. Il sait par ailleurs que Micky n'en parlera pas à un autre avant d'en avoir touché un mot avec lui, car si Micky le fait, ce sera signe qu'il a brisé la chaîne de solidarité et ça, Matteo n'apprécierait vraiment pas. Il prend son temps, sirote un peu son verre, puis se penche en avant sur la table, parle à mi-voix.

" La baraque, je la fais marcher, Micky. Tu me connais ... La cuisine, ça a sempre été una seconda nature chez moi. Donc, question restauration, il n'y a pas à s'en faire. "

Petite pause dramatique, le Sicilien choisit soigneusement ses mots et pèse chacune de ses expressions. Il semble soucieux, presque tendu. Réfléchi serait en fait le mot le plus approprié, il ne fait ni ne dit les choses à la légère. La conversation était partie sur un ton léger, on arrive à quelque chose de plus grave.

" Mais la ville elle ... Elle part en lambeaux, ce n'est pas bon pour les affaires. Di là, tu as un Padrino complètement usé jusqu'à la trame, incapabile de tenir la distance. De l'altro côté, la polizia ne fait niente contre les gangs, ... Les politiciens sont plus accaparés par des luttes pour des bribes de pouvoir que par la vraie puissance dans questa città. Que stronsi ... Personne ne s'intéresse au bien-être des citoyens. Les hommes de conviction sont devenus rares.

Ce qui fait que le climat n'est pas bon pour les affaires.
Des tas de gens s'engouffrent dans la brêche. Si je te dis que des mercenaires individuale réussissent à imposer leurs lois ? Si je te dis que des gangs minables vendent de la drogue à la sortie des écoles ?"

Pardonne-moi ... La corde sensible sans doute ... Je sais ce qu'ont vécu tue genitori* mais ça m'a presque échappé, dans un soupir de dégoût. Non cè solo à Depra que l'on vend la drogue dans ces endroits-là. Mais où qu'on le fasse, ça me dégoûte profundamente. Dobbiamo fare qualche cosà. Il nous faut remettre de l'ordre dans le quartier, alors seulement, on pourra fare de saines affaires, dans un climat détendu, pacificato.

" Orà, je te laisse le choix. Tu peux t'en aller et considérer ce service que je t'ai rendu comme un cadeau d'adieu. Tu te refais une nouvelle vie où tu le souhaites. L'occasion est rare et ne se représentera plus ...

Car si tu restes et si tu choisis de travailler pour moi au Siparino, tu connais mes règles. Elles sont strictes, fermes et définitives.

Tu auras un salaire "légal" de 200 dollars par mois. E poco, mais c'est tout ce que posso offrir en ce moment. Je suis loin d'être riche. Officiellement, tu travailles comme aide-restaurateur et tu prends un logement dans le quartier. Après, j'aurais bisogno de tes talents de boxeur pour remettre de l'ordre dans le quartier. Rendre le lieu propice aux affaires, ce genre de choses ... "

Ce genre de choses ... On voit bien que Matteo ne se considère pas comme un criminel au sens étroit. Il s'en faudrait peu pour qu'il se voit comme le sauveur du quartier... Mais il a en tout cas des méthodes bien à lui ... Expéditives ... Et s'il n'a pas utilisé le terme "pacification", il n'en pense sans doute pas moins, ses yeux le trahissent. Il a une réputation à faire. Une vie à recommencer et à partir de ce moment, ce petit coin de Sicile prend étrangement la figure d'un quartier général où l'on commence à effectuer un (gros) pari sur l'avenir.

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genitori: parents.

Le Sicilien s'autorise un sourire, chose rarissime en affaires. Parce qu'il ne s'agit pas du sourire du bonhomme qui veut faire une entourloupe à son prochain, ce n'est pas une feinte, c'est un réel sourire, sincère, chaud, franc.

Il tend son verre en un signe de santé vers O'Neil puis avale ce qui reste de liquide. Il recherche ses mots, l'air un peu plus détendu. Savoir que la tâche va être longue et ardue est une chose, prendre en compte les exactes proportions des difficultés est une toute autre paire de manches. Mais Matteo avait l'air d'être du genre réaliste. Pas exactement le type de bonhomme que l'on peut flouer facilement.

" Je suis veramente heureux que tu te joignes à moi. On a déjà du travail. Pour le logement ... Tu n'en manqueras pas à Twihood ... Essaie de rester dans le quartier, question pratique et matérielle, capisci ? "

E un piacere de travailler avec un boxeur comme lui. Et je sais parfaitement ce qu'il faudra pour le mettre dans le bain et pour envoyer un message clair à toutes les personnes qui bossent dans le deal et la drogue. Habbiamo cose à fare ... Et là, plus je vois ses muscles impeccables, marqués par les coups et les bastons, plus je me dit qu'il sera perfetto pour le travail.

" Dès que tu seras prêt, nous commencerons à travailler. Je peux te laisser deux jours pour prendre tes repères dans la ville, trovare ton logement, acheter une arme, ce genre de choses ... Puis, on s'attaquera au boulot proprement detto. Va bene ? "