Seeking the Boss

13th Avenue - Appartement 5B au n°1351

Bientôt on arrive au Coconut Palm, un endroit souvent bondé mais surtout bon pour se défouler et danser. On était venu ici avec John, la première fois qu'on s'est rencontré. John, je n'ai pas eu de nouvelles depuis un moment, d'un côté ça m'inquiète, d'un autre, je le laisse vivre, il appelera tout seul, moi j'ai du pain sur la planche.

D'après ce que je sais et si ça n'a pas changé, c'est gratuit pour les femmes et quand je vois mon collègue se faire arrêter par le vigil alors que moi je suis entrée nickel, ça se confirme, c'est toujours payant que pour les hommes.

On s'engouffre ensuite plus au fond, on n'est pas là pour s'amuser, pas tout de suite en tous cas. On veut que le vieux sache qu'on est là et qu'il nous contacte pour qu'on puisse fixer le lieu de rendez-vous. On s'accoude au bar, je grimace en montant sur le tabouret : satanée blessure.

La barmaid n'est pas loin mais en attendant je regarde mon confrère, me demandant ce qu'il a prévu ensuite, si tant est que ça se passe bien avec le vieux et qu'on ait (ou pas) un autre contrat.

Bien, nous y voila donc ... Dans l'antre du Parrain. Ca m'rappelle une nuit de merde que j'ai passée y a pas longtemps. Apparemment, la barwoman se souvient encore de moi, vu la moue qu'elle tire quand j'arrive. M'étonne pas, j'dois avoir une gueule à déterrer un mort. Ou plutôt, à faire se retourner un mort dans sa tombe.
Bref, ... J'capte cette gamine qu'a quasi rien sur elle et j'lui annonce sans trop trop de fioritures le motif de ma visite. J'ai pas envie d'faire dans l'excès de politesse dans ce temple à fric sale...

" Appelle-ton patron. "

Et vu l'air déçu qu'elle prend, j'peux pas m'empêcher de rajouter une belle connerie... Encore une qui m'dit que j'aurais dû fermer ma gueule. Et bien quoi. Nan, là, y a rien à en tirer de cette pétasse. Tu prends, tu tires, tu jettes. Et là, j'ai même pas envie de passer la première étape.

" Pas venu pour consommer. Alors, si tu aurais l'extrême amabilité de te dépêcher,
j'aimerais bien en finir avec ces salamalecs. "

J'aurais pu rajouter "inutiles" en passant. Mais pas la peine d'en rajouter à outrance. Elle est là pour faire son taf, moi aussi ... Mais je déteste perdre mon argent.

La barmaid aux gros seins à peine cachés derrière un cache-téton argenté attrape le cellulaire et appelle. Elle attends trente seconde puis raccroche sans avoir prononcé le moindre mot.


"Le portable de Monsieur O'Sullivan est coupé. Donnez moi votre numéro de portable, je lui demanderai de vous rappeller lorsqu'il sera de nouveau disponible."

La question est : elle fait exprès d'avoir ce ton cruche ou c'est naturelle? Parce qu'il est vrai que la réputation des personnes agréable à la vue est d'être désagréables dans une conversation, mais là, quand même, c'est violent.

Décidément cette serveuse d'à peine quoi, vingt ans, et habillée juste de quelques bouts de tissus n'est pas des plus aimables, elle est même expéditive. Et surtout, chose qui me plaît que moyen, elle nous raconte qu'elle ne peut pas le joindre, le fameux Parrain et moi, je n'ai pas envie de poireauter pendant toute la journée que le sieur veuille bien bouger son cul.

Je regarde alors la fille, qui vient de raccrocher et nous parle comme si on était ses toutous.

"- Ecoute petite, t'as bien un moyen de le joindre ton boss alors fais-le, tout de suite, on n'est pas venus ici pour perdre notre temps t'as compris ?"

Ce n'est pas parce qu'on ne consomme rien, pour l'instant, qu'elle a le droit de nous traiter comme si on était de la vieille merde. Soit elle se magne fissa, soit je vais lui demander ça d'une autre manière.

La serveuse perd son sourire.

"Je ne suis pas sa secrétaire, mademoiselle. Si vous voulez lui parler, faîtes comme tout le monde : prenez un rendez-vous! Voici le numéro."

Elle jette d'un geste quelque peu hautain une carte du Coconut à Sam puis se tourne pour aller servir un verre à un client, montrant à la communauté son arrière-train affolant juste traversé par la ficelle de son string...

Avec une plastique pareille, tu m'étonne qu'elle ait du sucès et que des billets soient passés dans ses rares sous-vêtements. Ne serait-ce que pour lui passer une main sur les fesses en lui glissant son porboire, 5 ou 10 dollars, ce n'est rien.

Alors qu'elle sert son client, elle remarque avec un sourire taquin que tous les autres clients au comptoir - tous des mâles, mais quoi d'étonnant à cela - jettent des regards furibonds à Curtis... Bon, ils ne sont pas une menace, puisqu'ils tiennent plus du fils à papa venu voir la seule paire de fesse qu'il puisse contempler dans le quartier sans payer trop cher...

A ce moment, le téléphone sonne et la serveuse décroche.

"Oui, patron, quelqu'un pour vous, je vous le passe."

Et elle tend le celullaire à Sam, retournant compter fleurette à un jeune atteignant difficielement les vingt ans et complêtement hypnotisé par les protubérances mamaires de la dame..

" Tu permets. "

C'est pas tellement un ordre plutôt qu'une phrase indiquant la suite logique des événements. J'attrape le cellulaire sans regarder la nana se barrer. Au bout du fil, j'imagine déjà le Parrain se demander ce qui s'passe. Faudra trouver un moyen plus confidentiel de le joindre. Surtout pour ce que j'ai à lui dire. En bref, j'me demande rapidement comment commencer c'te putain de conversation à la con.

" One Shot. "

Présentation sommairement effectuée vous me direz mais qu'importe. C'est pas le but de la visite. J'me concentre. La première partie de la conversation téléphonique est super importante. Lui montrer qu'il y a eu merdage mais que l'on peut rattraper la situation. Après une brève inspiration.

" J'ai à vous parler. Dans une heure aux friches industrielles, devant l'ancienne décharge. J'y serai avec une connaissance mutuelle. Venez accompagné d'une personne si vous le désirez. "

Ce qui sous-entend clairement "pas plus". J'ai pas grand chose d'autre à ajouter sans en trahir de trop... J'pense qu'il comprendra que je fais pas allusion à la déchetterie mais à la casse automobile. C'est pas trop dans le même coin ... J'attends tranquillement une réponse mais on devrait rapidement en finir avec cette affaire. J'ai comme qui dirait le percuteur qui m'démange.

Ca y est, la colère monte en moi, faut dire que j'ai la rancune facile, surtout en ce moment. Pendant un instant j'ai envie d'attraper la serveuse et de lui faire voir ma façon de régler les choses.
Mais à peine dix secondes plus tard, le portable de la fille sonne et elle me le tend. C'est à ce moment là que je me rend compte que mon collègue a regardé toute la scène et qu'il n'attendait visiblement que ça.

Il me demande le téléphone, et, à vrai dire, je préfère qu'il fasse la conversation parce que moi là, je ne me sens pas vraiment dans mon assiette, ma nausée revient en force et discuter des choses sérieuses tout en réprimant l'envie de vômir n'est pas une très bonne chose.

D'ailleurs "One Shot" a à peine fini sa phrase que je descend rapidement du tabouret et me dirige vers les toilettes... pas vraiment le genre d'inconvénient auxquel je m'attendais en venant ici après la bagarre d'hier soir.

"- Je reviens..."

Je repointe le bout de mon nez une bonne minute plus tard, ayant rendu les croissants de ce matin, au moins. J'évite de faire des commentaires et je me rassois sans rien dire pendant quelques secondes puis interroge mon collègue sur l'avancée des choses.

"- Alors ?"

La voix ou bout du téléphone laisse un temps de silence. Puis le Parrain répond. Sa voix trahit un calme forcé.

"Très bien, j'y serai."

Il raccroche aussitôt. Il a l'air pressé le parrain. C'est pas son genre : en temps normal, il aurait cherché à se renseigner. Savoir ce que veut One Shot, ou d'autres trucs comme ça. Là, il se contente d'un appel rapide, dit trois mots et raccroche. Soit il n'a franchement pas le temps, soit il est énervé. Peut-être qu'il se doute de qui est l'invitée surprise... Mais comment il saurait? Peut-être qu'il s'est monté un dossier?

Oups, c'est pas bon ça ... Le Parrain a pas l'air causant. Il a l'air d'avoir la tête occupée. Et quand on a la tête occupée, on finit par dire et faire des conneries. Donc, il risque de vouloir me baiser. Et comme je ne préfère baiser qu'avec les femmes, j'apprécierai d'autant moins que des soucis actuels viennent gâcher ce qui pourrait s'avérer être une opportunité profitable. Ceci étant, rien ne m'empêche de prendre à mon tour des précautions. La Sam revient. Elle aura vraiment pas été longue aux toilettes.

" On va dehors. "

J'dépose cash le cellulaire sur la table et j'décolle du bar. Non pas que j'veuille ajouter de la tension au lieu mais certaines choses nécessites un minimum de décence pour être dites. J'retourne donc dans ma bagnole sans piper un mot. Une fois que la camarade s'est installée près de moi, j'lui annonce la nouvelle.

" Il y sera. "

Simplement, y fait chier le Parrain. Pas de précisions, d'indications, rien. Il serait donc tenté de penser que j'lui veux du mal ... Ou pas. Il sait avec qui je suis, ... Ou pas. En gros, j'en ai rien à taper. On y va pour discuter.

" Simplement, il a raccroché direct. Il avait pas l'air dans son assiette. Et quand on a des soucis comme lui, on devient vite parano. Et c'est pas bon dans l'métier puisque ça ajoute une tension inutile. Donc, on s'en tient au plan, comme prévu. Le tout sera de réussir à discuter sans déclencher de pulsion meurtrière. "

Regard en biais à la demoiselle signifiant que son numéro au Coconut était pas forcément de la première utilité. Quand on veut bosser comme tueuse, on respecte un certain calme de circonstance, bordel !

Au moins dans les dix premières secondes...

L'étalon commence à avaler le bitume. Comme je l'pensais, ça lui plaît au moins aussi peu qu'à moi. Mais bon, à part me sortir des banalités,, ça fait pas avancer des masses le débat. Puis bon, faudrait voir à pas m'prendre pour un con aussi. Si j'lui ai filé rendez-vous dans les friches, c'est qu'il y a une raison... J'pense que ni l'Parrain ni Sam ne connaissent ces lieux assez hauts en couleur ... Une fois dans la décharge, elle se rendra vite compte que tous les hommes du monde ne pourrait y pénétrer sans exploser auparavant toutes les bagnoles à grands renforts de lance-roquettes calibre militaire.

" En soit, ça change rien qu'il soit énervé ou pas, qu'il envoie des hommes ou pas. J'm'en tiens à mon envie ... Parce que j'ai rien à lui cacher et que tous les hommes du monde lui seraient d'aucun secours à la casse municipale parce qu'ils ne peuvent pas y arriver avant nous étant donné que le rendez-vous est dans moins d'une heure. "

Ca, c'est un fait. On sera les premiers sur le terrain. Le Parrain viendra après et je dois avouer que lui et moi nous sommes quittés sur une bonne note, y a pas de raison que ça dégénère.

" Il n'y a qu'une entrée à la casse et on je l'y attendrai seul. Tu seras dans
les bureaux, c'est un bâtiment aux fenêtres condamnées au béton depuis que la casse a fermée. Je l'y amènerai avec son garde du corps et on discutera là-bas. Ca te va. "

Je continue à rouler, on sort de la ville-centre et on s'dirige en périphérie. J'm'efforce de penser à ce qui pourrait mal tourner. Et j'arrive pas à m'dire qu'il y a risque de fusillade. Le Parrain et moi, on est des prédateurs vivant dans une jungle urbaine avec une seule loi: celle de la jungle. Après, y a des règles et des principes propres à chacun.

On roule depuis quelques minutes déjà et on continue de parler pour se mettre d'accord sur notre plan et éviter les malentendus entre nous, histoire de régler ça dans de bonnes circonstances. Il me parle de la façon d'arriver à la casse et je l'écoute distraitement essayant de contenir ma nausée qui est revenue même pas dix minutes après mon passage aux chiottes.

Je hoche la tête et le laisse continuer, me disant que c'est déjà un bon point qu'on soit là-bas en premier et puis se dernière remarque me remet d'applomb car c'est beaucoup plus ce que j'ai imaginé.

"- Nickel, je préfère autant ça qu'à lui montrer toutes les cartes qu'on a en main dès le début. Au moins ça me permettra de le prendre par surprise si son accueil envers toi est un peu trop brutal."

Faut bien ça, j'ai une dette et je ne l'oublie pas, et au pire, ça me donnera le temps de prendre la tangeante si ça chahute trop ou que je suis en nette infériorité numérique.

"- Laisse-moi juste une minute ou deux histoire de jeter un oeil sur les bureaux en question, on ne sait jamais."

Je souris légèrement, peut-être que ça va mieux se passer que je ne le pense mais vaut mieux trop de paranoïa que finir entre quatre planches en séquoïa. Et puis, on arrive bientôt et l'adrénaline commence à monter, c'est bon signe.

La casse automobile

[HRP : Tu postes là-bas ?]