La casse automobile.

On continue le chemin tranquille et on sort de la ville-centre. On dépasse la banlieue et on arrive aux friches industrielles. On dépasse les quadrillages d'anciennes entreprises pour arriver à la casse automobile. Ca s'présente comme un gigantesque enclos ceint de grillages et de barbelés.
Comme si des gosses allaient s'amuser à piquer des carcasses. C'est un chantier assez immense et on voit à peine au loin entre tous les tas de bagnoles le bâtiment des bureaux. Y a plus beau comme endroit mais j'l'aime bien. Parfait pour un rendez-vous discret.

" Nous y voila. "

J'pense qu'il n'y a pas besoin de faire de longs discours. J'avance la bagnole jusqu'au bâtiment des bureaux. Il nous reste du temps. Reste à attendre le-dit Parrain de la mafia du coin. En espérant qu'il nous fausse pas compagnie. Après, c'est sa merde, il la gère comme il le souhaite. En arrivant devant les bureaux, j'vois que le tas de bagnoles est toujours aussi impressionnant et aussi bordélique. Des bagnoles de tous âges, toutes catégories, toutes tailles. Un vrai bordel. Les grues sont relevées et les câbles arrachés prouvent que l'électricité n'arrive plus depuis bien bien longtemps. Les bureaux sont regroupées dans une grande enceinte carrée. Les fenêtres sont murées ou fermées par les lourds volets d'acier. J'constate aussi que la porte principale est toujours cadenassée. Après deux coups de kukri, ce n'est plus le cas. Je force le verrou sans douceur aucune.

" Si mademoiselle veut bien se donner la peine. "

Coconut Palm

On y est. Je répère rapidement les lieux histoire de connaître les points forts et les points faibles de l'endroit puis regarde les bureaux. Tout est condamné, pas de lumière qui filtre, pas de risque de se faire remarquer dès l'entrée, parfait.

Je sors de la voiture, hûme l'air, ça fait du bien, un peu d'air froid pour me faire passer cette envie lancinante de vomir. Il fait sauter le verrou et je rentre dans les bureaux, ça sent le renfermé, un peu le pourri aussi, ça ne m'étonnerait pas qu'il y ait des cadavres de rats morts dans le coin... voir pire. Mais à vrai dire ça m'importe peu, tout ce que je veux c'est régler rapidement cette petite affaire et passer à autre chose.

Je m'appuie contre un bureau pas encore branlant et sort mon Glock de son holster. J'enlève la sécurité, une balle est déjà prête à être tirée, je le remets dans son étui et je regarde mon collègue. Le Parrain ne devrait plus tarder.

"- Bonne chance..."

" Pourquoi ça devrait mal se passer ? "

Elle fait un petit numéro avec son flingue. Personnellement, j'suis toujours prêt à sortir le règle-comptes et à m'en servir. J'déteste sortir tout nu. J'lui réponds donc par une petite phrase et un haussement d'épaules puis je remonte vers l'entrée de la casse. Fait plutôt frisquet mais bon ... J'espère que le vieux tardera pas trop ... J'ai bien envie de me griller un cigare mais c'est pas trop le lieu ni l'moment. J'reste donc appuyé contre la grille, loin devant le bâtiment des bureaux, à attendre que la voiture du Parrain se pointe.

En y repensant ... J'me demande comment je vais tourner le truc. Déjà, j'pense que ce serait pas une mauvaise idée de lui annoncer la couleur ... 'fin bref, j'aurais le temps d'y repenser quand j'le verrai.

J'arrête la voiture au carefour prévu Personne, normal, y'a plus une usine ouverte ici... ou presque.
La camionette est là. Mes six hommes aussi. Je descends du véhicule et tout le monde se regroupe. Comme prévu, ils ont pris le matériel nécessaire à ce genre d'opération : PSG1 pour la couverture, FN FAL commando, M4 et MP5SD. Très bien...

"Ok, le rendez vous à lieu devant la casse automobile. On a une ligne de tir dégagée sur l'entrée depuis la tour là-haut : un ancien haut-fourneau. Le sniper et son aide iront s'y installer. N'oubliez pas la paire de jumelles.
Pour l'autre équipe : on attendra les directives des tireurs. Selon la position des charlies, on se déploira de manière adaptée. Allez."

Deux hommes partent aussitôt. L'un d'eux a pris un AK47 et les jumelles, l'autre le sniper. Pour l'instant, il n'y a pas de soleil, mais si celui-ci avait la bonne idée de se lever, il serait dans le dos de mes tieurs. Donc pas de risque de se faire niquer là-dessus. Le coup de la lunette qui brille est malheureusement l'une des première cause de perte de discrétion chez un sniper.
Ils prennent position en cinq minutes environ. Le rendez-vous est dans 20 minutes. Mais je compte arriver un peu en retard. En liaison par téléphone avec mes hommes - il faurait vraiment prévoir un mode de communication plus sûr - j'attends la suite.

"Patron, une voiture à l'intérieur. Celle de One-shot.

Le silence reprend le dessus. La tension monte chez les hommes. Ce sont des loups et ils flairent l'odeur du sang.

"Bien reçu. Où sont-ils?
Aucune idée, patron, on ne les voit pas... Ah, si, j'ai One-shot en vue
-Et l'autre personne?
-Négatif. Attendez. La porte des bureaux est ouverte... On l'a fracturée."

Et bien voilà, je l'ai ma preuve. Le rendez-vous devant la casse. Mais quelqu'un à l'intérieur... Et qu'est-ce qu'ils vont faire à l'intérieur? Préparer l'embuscade. Je ne sais qui est le fils de pute qui paye One-Shot pour me flinguer, mais il va prendre très cher. Et ce foutu mercenaire aussi.

J'ai l'erreur qu'il me fallait. Ces batiments sont assez vieux, et ce sont surtout des préfabriqués merdiques dont seules quelques fenêtres permettent de voir sur l'extérieur. Notemment pas celles du côté. C'est donc par là que mon groupe arrivera. Mon équipe va se déployer en venant de l'arrière pour éliminer les différents tireurs embusqués. Moi, je vais aller voir One-Shot. Le but sera de la capturer, lui et son invité mystère. Ou le buter à défaut. Bien que cette idée ne me plaise qu'à moitié... Mes hommes remontent dans la camionette et le véhicule disparait. il va faire le tour afin de gagner du temps.

Le temps passe. Pas de nouvelles d'en haut, c'est que c'est calme. Mon portable vibre : un SMS : l'équipe s'est entrée et n'a pas rencontrée de résistance. Pas de tireur embusqué... Reste le bureau, mais pour y aller, ils risquent de se faire repérer par One-Shot. Donc dans l'attente d'ordre, ils restent planqués entre les piles de voitures, derrière le bâtiment, hors de vue. Ils n'ont aucune vue sur l'intérieur, mais ils n'ont pas pu se faire voir selon toute logique... Enfin, la logique, dans ce genre de situation...

Je passe mon gilet par balle, vérifie que mon flingue est chargé... On aurait du prévoir des grenades tiens... Trop tard pour reculer.
Je monte dans la voiture et redémmare. Je me dirige jusque l'entrée et coupe le moteur, laissant vingt bons mètres entre mon véhicule et l'entrée. Puis je sors. J'ai dix minutes de retard... juste ce que je voulais.

One-Shot nous attend contre le grillage. Actuellement, il a un sniper qui prend sa tête comme cible de fête foraine... Il ferait mieux de se tenir à carreau. Au moindre geste suspect, il disparait de la surface de ce monde.

Bon sang, il caillotte dans le coin. Qu'est-ce qu'il fout le vieux ? L'a envie de m'faire peler les roustons en l'attendant ou quoi ? C'est là que j'le vois arriver. Déjà, dix minutes en retard sur l'horaire. Bordel ... Dix minutes. Le temps qu'il faut pour rater un rendez-vous, un train ou que sais-je ...
C'est là que j'le vois débarquer. Un truc qui cloche .. Il sort seul de sa bagnole. Mouais ...

" En plus d'être en retard, vous n'avez pas respecté les consignes. Je vous avais demandé de venir accompagné d'un porte flingues. J'en suis à me demander s'il ne me faut pas annuler le rendez-vous. "

Sourire mi-figue, mi-raisin. J'aime pas les imprévus. J'aime pas que les gens fassent pas comme on leur demande. Surtout quand c'est l'Parrain, à qui ça coûtait pas grand chose de venir accompagné d'une personne. Et qu'il aille pas me dire qu'il a pas deux bras sous la main. Ca m'ferait mal. J'ai bien envie d'annuler le rendez-vous et de discuter affaires plus tard. J'ai comme l'impression que le vioc' cache son jeu. Comme d'habitude. J'pense qu'il me faut devancer sa réplique.

" La personne qui m'accompagne est à l'abri dans le bâtiment. Elle avait une certaine ... appréhension à vous rencontrer, O'Sullivan. C'est pour ça que je suis venu seul devant la grille. Donc, maintenant on a le choix.
Soit on change les règles et on discute seul à seul ici en train de se peler les miches comme des cons, soit on va à l'intérieur du bâtiment, vous ramenez un de vos gorilles qui doit vous attendre pas loin et on va y discuter affaires à l'abri des éventuelles oreilles indiscrètes. "

Autrement dit, me prends pas pour un con, l'vieux. Tu serais un des derniers mecs à venir te promener seul dans un endroit que tu connais pas face à deux personnes dont une que tu connais pas et l'autre que tu ne peux contrôler. L'arrivée d'un bonhomme seul qui vient comme une fleur avec dix minutes de retard dénote clairement le coup fourré. Le sourire en coin accompagne ma dernière déclaration. Une collaboration peut se stopper d'une pression sur la détente ou naître d'un contrat dûment rempli. A chacun de voir. Moi, c'est du tout vu. Les mains bien en évidence posées sur ma ceinture, j'ai pas grand chose à lui en raconter.

Hmmm... Réaction normale. Moins m'aurais inquieté sur mes pronostics... Un sourire se dessine sur le coin de ma lèvre.

"John."

La portière de la Camarro s'ouvre et John en sort. Il était resté dans la voiture, tapi derrière le tableau de bord - ce qui se révélait relativement comique vu sa carrure. C'est pour ça que j'étais resté à distance raisonnable. Mais pourquoi caché un homme dans une voiture quand cinq autres sont cachés autour? Parce qu'il détourne l'attention qui pourrait justement se porter sur les cinq autres.

"J'ai préféré me garder l'option extraction rapide. Mais puisqu'il semble que ce ne soit pas nécessaire..."

C'est un peu bidon comme justification, mais j'ai pas eu le temps de trouver mieux. Bah, au pire je passe pour un parano, au mieux pour un homme consciencieux qui prévoit sa retraite.

"Mon homme de main va aller fouiller le lieu. Il serait préférable que votre collègue le quitte. Ou soit au moins au courant qu'un homme armé va visiter le lieu."

Pas question d'entrer dans ce bâtiment sans l'avoir sécurisé à l'avance.

Un type déboule de la Camarro. Et william me sort une explication dont il sait qu'elle ne tient pas la route. Pour que je lui permette de faire une extraction rapide, il aurait déjà fallu qu'il puisse s'en sortir. Et là, j'l'aurai fait caner sur place. Nan, vraiment, son explication ne tient pas debout et lui-même n'en est pas convaincu, surtout vu la masse que constitue le-dit John... Autant faire tenir un éléphant dans un trou de souris. Maintenant que le vieux m'parle d'inspecter le bâtiment, j'comprends qu'il ait des soucis question de confiance et de sécurité.

" Hum ... Compliqué. "

J'espère qu'il va pas commencer à se crisper sur la gâchette. J'dis juste ces trois lettres pour annoncer la couleur de ce qui va se passer et c'est clair que je manque de tact et de doigté pour l'annoncer. Enfin bon, trève de plaisanterie, il faut bien lui en parler.

" Ben, tout simplement, j'ai pas le numéro de cellulaire de mon accompagnatrice et qu'il n'y a pas de raison d'aller sécuriser le bâtiment... "

Votre manque de foi me consterne dirait Dark vador. C'est là que j'commence à douter d'un truc. Faudrait quand même pas qu'il me prenne pour un rat faisant ses coups en douce. Un traitre qui n'attend qu'une occasion pour donner un coup de bite dans le dos. Là, j'ai l'adrénaline qui monte et c'est pas bon. Si j'ai un duel à régler avec le Parrain, j'trouverais autre chose qu'un prétexte pour l'amener dans un coin désert. J'ferai ça dans un endroit blindé de monde, histoire que ça s'voit.

" Votre manière d'appréhender les choses me désole, Sullivan. J'suis un exécutant, pas une fouine. J'suis là pour discuter d'une affaire gênante, pas pour faire une connerie. Suivez-moi, John. "

Je me dirige devant le bâtiment avec "John" et j'arrive à la porte. Il a plutôt l'air tendu. Normal en même temps. L'pauvre est quand même celui qu'a l'plus haut risque de caner dans l'affaire. En même temps, j'peux pas faire sortir Sam du bâtiment. J'entrouve la porte.

" Un visiteur vient inspecter le lieu. Pas de bêtise et sois gentille avec lui. "

J'me retourne vers le colosse avec un demi-sourire. J'lui fais un signe lui indiquant d'une manière semi-ironique un "allez-y".

Hmm bon, ça a l'air d'être à moi d'ouvrir les hostilités.Et sans jouer au con, faut que ça reste calme. Après tout, je ne fais que rapporter l'échec d'une mission. C'est pas comme si j'annonçais qui avait tué Kennedy. Une chose est sûre ... L'atmosphère n'est pas au beau fixe entre le colosse excité de la gâchette, la Sam qui a les nerfs de s'être prise plusieurs balles. Moi, au beau milieu de tout ça, j'me demande ce que j'fous là ...
Bon, moment de solitude mis à part, je m'éclaircis la gorge et en profite pour garder mes mains en vue.

" O'Sullivan. "

J'attire son attention d'une manière ... hum ... peu orthodoxe. J'sais pas trop comment parler et j'suis plus gêné que réellement énervé. Bref, maintenant que j'ai attiré l'attention sur moi, faut que j'm'en dépatouille. Allons-y cash.

" J'avais entendu les consignes données pour Armstrong Street alors j'me suis dit que j'aurais pu gagner un bonus en cash pour la soirée. J'm'y suis rendu avoir m'avoir fait extraire les balles que j'ai prises plus tôt dans la soirée. Là bas, j'ai ramassé la fille sur le pavé, avec plusieurs grammes de plomb dans l'sang. Il m'a fallu dessouder deux gars pour l'avoir ... Elle en a eu un autre. Tous les gardes du corps du Black y sont passés ... Simplement ... "

Là, j'avoue, je bloque... Comment expliquer ça sinon par le début ? J'revois la scène ... J'ordonne les idées dans ma caboche et j'parle d'une voix assez mauvaise. J'déteste apporter ce genre de bonnes nouvelles.

" Mais en plein feu de l'action, v'la que trois personnes en plus déboule de derrière nous. Deux mecs et une gonzesse de ce que j'en ai pu remarquer. Ils auraient été des renforts qu'ils n'auraient pas agi autrement. Par contre, c'étaient pas des renforts du vieux. Sinon, le timing aurait été meilleur, ils auraient été mieux équipés -le vieux avait une arme automatique, les renforts attaquaient à l'arme de poing - et on y seraient passés. Mais là, ... A deux contre quatre et en mauvaise posture tactique, j'ai pas eu d'autre choix que de battre en retraite. "

Et là, un léger sourire fend mon visage. J'ai tout débité d'une traite, balançant un maximum d'informations. Maintenant qu'ils sont en train de percuter sur ce qui s'est passé, j'me permets une pointe d'humour sur mes propos clairs, nets et précis.

" Fin de mon rapport. "

Un échec donc... Des hommes armés, du matos lourd et une unité de renfort. Après ce que j'ai vu à Bull Run Street, ce n'est pas étonnant en soit.

Maintenant, quelle est la part du à l'incompétence de la fille, quelle est celle de la réunion inopinée des gangs. Faisons le calcul : One-Shot a buté deux hommes, Curtis, un. Donc trois. Ce qui est différent d'une demie-douzaine. En soit, trois hommes à éliminer et un à capturer, c'est une mission relativement facile pour une tueuse. Sauf si elle fait des erreurs. La logique voudrait qu'elle ai sérieusement planté l'opération et qu'à partir de là, la supériorité numérique et matérielle l'ai écrasée... Reste à savoir quel type de connerie elle a fait. Si elle en a fait une. J'ai aussi déjà planté des contrats parce que pas de bol... Et comme elle, j'ai toujours cherché à les finir.

"Bien."

Le fait que je commence par ce simple mot détend un peu John. Si j'avais commencé par certains autres mots, il aurait du ouvrir le feu. Et dans un espace aussi restreint, c'est toujours une grosse prise de risques.

"Je vous dois quelques explications : bien que je ne m'explique pas l'arrivée de renfort, le fait que les gardes du corps sur place soient armés et sur les dents venait d'une donnée dont nous ne pouvions avoir connaissance : les gangs de la ville se réunissaient le soir même pour préparer une prise de pouvoir musclée dans les milieux underground de la ville prévue au début de l'année à venir. Ils projetaient simplement de m'éliminer, moi, ainsi que mes hommes, ainsi que les autres gangs et tous ceux qui s'opposeraient à leur installation à la tête du monde de l'informel à Depracity.
L'information semblait avoir été bien gardée et n'a pas filtrée. A partir de là, toute l'opération d'épuration des quartiers sensibles était faussée. Comme vous, nous nous sommes retrouvés face à trois ou quatre fois plus d'adversaires, avec de l'armement lourd.

Ce qui devait être un simple réglement de compte s'est transformé en acte final d'une guerre des gangs."

A moins que ce ne soit l'ouverture de cette dernière, puisque le vieux vit toujours.

"Aussi, j'excuse l'échec de cette opération."

Ce serait limite plus à moi de m'excuser, mais j'ai un rôle à tenir. Et une réputation... Celle d'une certaine honnêteté dans les affaires.

"Disons qu'à mon corps défendant, elle était compromise dès le départ."

C'est pas mal, comme phrase, ça : comment s'excuser sans se rabaisser. Finissons en avec cette histoire, maintenant.

"Vous voulez finir l'opération? Vous avez quinze jours. Et 6000$ à la clé."

A difficulté accrue, paiement accru. Normal. C'est ainsi que se déroulent les affaires dans notre milieu.

Classique.

On ne peut plus classique.
Une belle opération à mener. Simplement, je sais pas quand, je sais pas où, je sais pas quoi ... J'ai juste un délai. Et pas question de le foirer, ce coup-là. Ca tiendrait qu'à moi, j'retournerai faire le ménage version brutale mais Sam a dit qu'elle s'en chargerait à sa manière. Bon ... Pourquoi pas. J'me demande cependant ce que c'est que sa manière ...

Ouais vaut mieux que j'garde un oeil sur elle. J'lui fais pas trop trop confiance dans la manière dont ça risque de se dérouler. L'ambiance a l'air de s'être détendue mais c'est pas pour autant que j'proposerais un café au Parrain. J'ai besoin d'infos, et je sais qui va me les donner.
Je sais comment continuer cette opération. Il m'reste à savoir combien cela va me coûter dans les pertes et profits mais j'en ai une bonne idée.

" ... "

J'suis bien conscient que je suis à part dans cette opération avec un statut pas net. Pas seulement parce que le Parrain m'a royalement ignoré dans sa discussion avec Sam mais bon ... J'sais pas moi, un truc du genre "merci OS d'avoir sauvé cette emmerdeuse de première" ou un truc du genre "A un contre sept, tu t'en sors sans une égratignure, je suis sûr que Chuck Norris serait jaloux". Mais nan, faut que j'reste à part. Que je le reste donc, que Sam prenne en main l'opération, si elle la foire, j'm'en occuperai. Ca risque de faire tache dans le paysage mais ça sera fait.

J'me contente de faire un signe de tête. Quinze putains de journées pour chopper l'vieux et s'faire 6 000 $ ... Si Sam veut se la jouer à sa manière, qu'elle la joue à sa manière, moi ... ça sera à l'instinct. On règlera ça à l'amiable, flingue en pogne. Au final, le pognon reviendra à celui qui ramènera le Black.

La réunion se termine rapidement. Comme souvent, elle aura été plus longue à préparer qu'à terminer. Mais c'est le jeu. Elle se termine d'ailleurs plutôt bien, ce qui fait plaisir. j'avais franchement un doute sur le nombre de morts... Mais mon plaisir est bientôt gâché par la réflexion de Curtis qui se la pète genre "je sais que vous avez des hommes dans le coin"... Mais putain, j'espère bien que tu t'en doute! Sinon, j'aurais de gros doutes sur tes capacités intellectuelles. Mais par contre, est-ce que tu sais combien ils sont, où ils sont cachés, avec quel armement? Non, ça tu ne le sais pas. Moi-même, je ne le sais pas, parce que ces mecs sont des pros et que même en faisant attention au moindre bruit, ils ont réussi à profiter de l'aspect calfeutré du lieu sesné diminuer la pollution sonore produite par une casse automobile pour se déplacer sans se faire entendre. Désormais, ils sont disposés un peu partout autour et n'attendent qu'un ordre pour tirer. Et ça, ça te fais chier dans ton froc troué! C'est le rôle premier : mettre la pression sur la partie adverse. Quand tu sais qu'un mot de travers peu abrèger ta vie, tu réfléchis à deux fois avant de proférer une menace.

Je pousse un soupir quelque peu exaspéré et sors du batiment en premier, faisant un signe à John, lequel sors son oreillette de portable et appui sur une touche, car pas à un seul moment nous en sommes restés sans liaison avec les autres. John avait simplement coupé le son pour éviter qu'on n'entende les conversations de l'équipe de soutien avec celle ce couverture.

"Unité de soutien : dégagement ; couverture reste en position."

Aussitôt mes hommes apparaissent comme des fleurs du terrain. L'un c'était embusqué avec le FN FAl commando dans une voiture en hauteur ce que me fait penser qu'il a du se marrer pour se déplacer discrètement, jusqu'à ce qu'il attrape le cable de la grue et se hisse jusqu'au bras de cette dernière avant d'en descendre tranquillement et avec finalement assez peu de bruit. Putain, ils me font peur parfois, ces mecs. Un autre de mes hommes sort d'une pile de pneus avec un M4 en badoulière et une MP5SD dans la main, l'autre apparait de derrière un paquet de bidon sesnés contenir les huiles de moteur, liquides de freins et autre conneries qu'on a dans une voiture et qui polluent. Encore que vu le standing de cette casse, l'écologie ne doit pas être une priorité.

Les hommes se rassemblent, attendant les ordres en bons soldats. Une petite démonstration de force n'est jamais mal venue. Montrer que mes hommes ne sont pas des comiques est toujours un bon plan. ça évite qu'on me pense faible et sans défenses.

Bon, ben les voila qui ont arrangés avec leurs petites affaires. J'ai plus qu'à aller m'faire moine. Le silence m'entoure toujours. Y en aurait pas un qu'aurait remercié le mercenaire pour l'arrangement de ce malentendu, naaan ... On préfère tirer la couverture à soi et garder son semblant de dignités. Trous du cul, va ... Et en plus, Sam se fait avoir comme une bleue ... Jamais je n'aurais fait une traque complète pour 6 000 malheureux billets. Putain de putain de c'est pas vrai de mon dieu qu'est-ce que j'fous dans cette galère de chiottes ... M'revoila à jouer les pigeons et à sortir le dernier. Enfin, avant-dernier puisque le dénommé John tient à fermer la marche. Mauvais plan ça ... D'autant plus qu'il n'm'aurait pas fallu grand chose pour m'servir de ton flingue et envoyer ton patron ad patres... Et à partir de là, toutes les précautions prises auraient été inutiles. Puis v'la que la petite armée privée du vieux vient s'mêler de nos roustons... Ca m'fait marrer ça, tous en équipement super-modernes... en oubliant fondamentalement que l'arme la plus efficace est pas celle qu'est sortie en dernière. J'défie n'importe lequel de ces pignoufs à vouloir se mesurer à moi en duel au revolver ou en chasse à l'homme.

" Plutôt frileux pour cette sortie, O'Sullivan ... "

Et je me retiens d'ajouter que si j'l'avais voulu, il ne serait jamais sorti vivant de ce merdier et blablabla et blablabla. Pas la peine d'en rajouter des masses. Ses ptits pantins peuvent me faire caner sur place, l'temps que j'mettrai à y passer, j'en emporterai au moins un avec moi. J'sors de la casse et j'me dirige vers la caisse. Sans autre cérémonie, j'y rentre et j'réprime un soupir. J'suis tendu et j'appréhende la suite.

L'vioc relève pas ma remarque mais au fond, je sais ce qu'il pense. J'aurais pensé la même chose de moi à sa place. La première remarque de Sam m'fait rire, la seconde encore plus. L'plus drôle dans cette affaire, c'est que l'vieux n's'est absolument pas intéressé à mon rôle, la blague. Donc, en cas d'échec, c'est Sam qui prend tout. En cas de réussite, j'ai toujours un beau coup à jouer. Ca peut être sympa cette affaire.
En commençant à rouler, j'remarque un sniper qui descend de sa position, pile en face, bel angle de tir avec soleil dans le dos, la classe.


Ou pas.


Plus frileux encore que j'ne le pensais le vieux. En même temps, c'est flatteur. Je justifie à moi seul le déplacement d'une petite armée. La grande classe. Limite si c'est pas plus moi qui fut le point focal de ce qui s'approche le plus de la notion de "respect" dans cette réunion. J'permets à une tueuse de saisir une seconde chance et le vieux me déroule le tapis rouge pour l'entrée. J'peux pas m'empêcher de faire la remarque à Curtis ...

" Un tueur patenté te file un rencard avec une personne que tu connais pas dans un endroit que tu connais pas et de plus éloigné de toute possibilité de back-up. T'y vas les mains dans les poches toi ? "

Et mon petit sourire ajoute la petite mention finale: okay, j'ai eu le droit à la totale. Surtout de la part d'un mec qu'a bourlingué comme le parrain. Selon mon estimation, ils étaient au minimum 7, sniper compris. Pour deux personnes. Dont une seulement était connue.

" M'enfin, le fait qu'il ait ramené ses clowns faire mumuse avec nous, j'en suis flatté. "

J'prends une direction que je ne connais que trop. Retour dans le centre de la ville ... Tout ça pour une chasse au black à la con. J'pense qu'elle a eu sa dose d'émotions pour aujourd'hui la gamine. La matinée va bientôt s'achever et j'ai comme qui dirait envie de m'enquiller un bison. J'la regarde à nouveau, l'étalon connaît la route.

" Ca te dérange si on va se faire à manger quelque part ? J'ai les crocs. "

Allons bon, me v'la à rouler, rouler, rouler sans réponse de la part de personne. J'en ai un peu ras le cul de cette journée. On commence, on va voir le Parrain, il exhibe ses chiens de guerre, et j'me retrouve avec la gamine qui m'laisse un sous-entendu comme quoi on connaît les effectifs du vieux. Elle est belle la jeunesse.

Puis v'la qu'apparemment, j'ai dit un gros mot, v'la que madame gambettes-en-l'air me regarde comme si j'avais balancé un blasphème. J'peux pas m'empêcher de sourire en coin ...

" Qu'est-ce qui s'passe, j'ai vraiment une aussi sale gueule ? "

Gamine ... Faut vraiment que j'règle cette affaire et que j'emmène le black chez william. Ca pue ce genre de mission qui dure, qui dure, sans qu'on en voit le bout. Je continue ma route, légèrement désappointé. Pour un coup, je me sentirai presque en ville étrangère. Ou alors j'ai vraiment un don pour foutre mal à l'aise les gens: entre le Parrain à qui j'propose une entrevue et qui déboule avec une armée à prendre d'assaut la Maison Blanche et la Sam qui m'regarde comme si j'étais le dernier des demeurés, j'me sens bien seul.

Mouais, allons bon ...Elle a aussi l'air dans son assiette que moi quand j'me suis fait augmenter ma teneur en plomb dans une rue de Tiijuana, long time ago. Mais j'me tais, je ferme ma putain de gueule. Et en y repensant, vaut peut-être mieux. J'pense que la donzelle commence à sursaturer. Les journées ont été chargées et si moi, j'ai la pêche pour continuer, rien que l'idée d'une traque m'injecte les yeux de sous-entendus immondes, j'ai l'impression qu'elle a pris un double coup de massue sur la gueule. Donc, on va la jouer gentleman. Ca m'permettra peut-être de me débarrasser d'elle et d'aller tranquillement à la pêche aux informations.

" C'est cela ... Dis plutôt que tu as besoin d'un peu de repos. Je t'amène chez toi et t'y passeras la journée. Dans ton état, tu ne seras capable de rien de bon. "

C'est dit d'une manière un poil de cul plus abrupte que je n'l'aurais souhaité, mais tant pis, c'est dit, c'est dit. Elle sait que ce sera totalement inutile de s'engager dans une traque si au moment opportun, elle se choppe un malaise et dégaine trop tard. Disons que j'suis plutôt pressé qu'elle se remette en selle, une journée de repos ne sera pas de trop. Pour moi aussi d'ailleurs, mais est-ce que ces quelques heures qu'on va passer à se reposer ne vont pas donner au vieux le temps de mettre les bouts ? Est-ce qu'on risque pas de se retrouver en position de la proie au lieu de rester les chasseurs, surtout si on se sépare. Tels que je connais leur mode de fonctionnement, ils vont d'abord s'attaquer à la plus faible, puis remonter vers le gros morceau une fois les parasites éliminés. Et c'est pas très bon ... M'enfin bon, j'm'emballe, c'est qu'une putain de journée de repos que je lui demande, juste le temps que la police inspecte les lieux puis reparte, décrétant qu'elle n'a rien trouvé.