Illena Kovac.

Illena (prononcez Illiana, en appuyant sur le a, en avalant le i du début et en faisant un son de gorge. Pas facile, hein ?) est née à Srebrenica (Bosnie Herzégovine. Vous savez, le petit pays quelque part dans l’Est de l’Europe ? Oui, l’Europe, le continent de l’autre côté de l’Atlantique… Je sais que les américains ont du mal avec la géographie.). Elle est née en 1977, faites le calcul vous-mêmes.

Son quotidien d’enfant fut celui de toutes les populations paysannes serbes/bosniaques. Illena alla même à l’école pendant plusieurs années, puisque sa propre mère était institutrice. Elle apprit donc à lire et à écrire, ce qui est quand même pas mal quand on y pense. Parlant serbe, bosniaque, et bredouillant quelques mots d’anglais, elle était plutôt pauvre, mais pas dans une situation désespérée. Les notions de mendicité et de solidarité lui étaient quotidiennes. (Pour la solidarité, allez savoir comment, elle s’est perdue en chemin) Elle avait un frère, Goran, de deux ans son aîné, et une petite sœur, Vesna.
Les temps n’ont pas été toujours très facile pour les paysans en Bosnie. Illena et sa famille étaient de confession catholique, mais sa mère était musulmane. Le genre d’alliance qui se faisait, peu couramment mais se faisait. Bon, revenons-en à nos moutons (bêêêê). Illena n’eut pas de chance. Comme des millions de gens chaque jour. Comme la majorité de la population de Srebrenica, en fait. C’était en 1995 – elle avait quatorze ans. Certains meurent de la famine, d’autres du SIDA. La famille Kovac fut quand à elle victime d’une jolie invention humaine baptisée « nettoyage ethnique ».
En juillet, les armées serbes envahirent la petite ville. Malgré la présence des divisions hollandaises de l’ONU, toute la population musulmane – ou presque – fut déportée puis assassinée en l’espace de seulement quatre jours. Ah, fraternité, quand tu nous tiens. Comme le souligna le commissaire du Tribunal Pénal International de La Haye en faisant son enquête, l’humanité s’en était donné à cœur joie dans ce qu’elle avait de pire. Illena échappa au massacre en fuyant avec son frère. Lui fut tué par des serbes qui déguisés en soldats en l’ONU, tendaient des pièges aux réfugiés. Elle fut retrouvée par une division de la Croix-Rouge quelques semaines plus tard, dans un état pas très brillant. Illena fut parquée avec les quelques dizaines de survivantes et appris à ce moment-là qu’elle était la seule restante de sa famille. Son père avait été exécuté, sa mère également. Illena se retrouvait, comme qui dirait, orpheline, dévastée, probablement vouée à mourir de misère.

Elle ne retourna jamais à Srebrenica. Placée dans un orphelinat de Sarajevo, l’adolescente commença à mendier et voler. Solidarité, adieu. Haine du monde, bonjour. Illena faisait partie de ces mômes perdus. Sauf qu’Angelina Jolie passa par là et l’adopta qu’une organisation de secours se mit en tête que les riches avaient envie de dépenser leur argent pour les pauvres petits orphelins de Sarajevo. Sérieusement, elle ne fut pas sélectionnée pour intégrer le dispositif d’éducation-réintégration des désoeuvrés américains. Aucune importance, Illena prit la place de quelqu’un d’autre. Elle commençait déjà à comprendre comment fonctionnait le monde.
A dix-neuf ans, elle était diplômée, parlait anglais et savait comment se débrouiller aux USA. Ni une ni deux, elle débarqua au pays de l’Oncle Sam et intégra l’université de New York grâce à une bourse et au soutien de l’association.
Diplômée en droit – rebelote – et ambitieuse comme pas deux, avec une hargne qui poussa ses supérieurs à l’envoyer de New York à Depracity, voilà comment Illena débarqua dans la ville. Aujourd’hui, elle est passée du statut d’associée minable à celui de juge et s’en sort plutôt pas mal.