Bureau du Capitaine

Au moment de silence où tout semblait entrer enfin dans l'ordre ... Où le commissariat semblait ne regorger que de son activité habituelle, d'un calme tout à fait relatif étant donné l'agitation de la ville, mais suffisamment important pour être remarqué, on entendit le petit bruissement sonore d'une voix douce et mélodieuse qui appartenait à un personnage bien connu des services de police, un personnage haut en couleur qui enrichit le folklore de Depracity... En bref, cette petite voix disait exactement ceci:

" SLAAAATER ! DANS MON BUREAU IMMEDIATEMENT ! "

Quelle douce surprise pour le lieutenant d'entendre hurler son nom en plein commissariat. Même si c'était le requin qui faisait cet appel ... impérieux. Hey n'empêche ! C'est le début de la célébrité man ! Comment ça, y a des fois où on préfèrerait ne pas être connu ?

Comment il dit déjà Omer, dans les Simpson? Ah, oui : "To!". Le silence est plus que pesant après le hurlement du patron... Putain, ce que je vais prendre moi.

"Capitaine, mademoiselle, veuillez m'excuser... Je crois qu'on m'appelle..."

Je sors pour passer dans le bureau du comissaire. Obligé de traverser tout le comissariat pour ça. ça charrie à mort dans les bureaux, certains me signalent qu'ils sont avec moi, d'autres me félicitent... Merci les mecs, ça fait plaisir. Dès que je sors, je vous file un sifflet et un bâton, vous allez jouer à la circu. A moins que je m'y retrouve moi-même. Oh putain, ça va devenir dur de devenir un héros à la circu...

Slater sort. Qu'est-ce que le Requin lui veut ? Lui passer un savon pour les dégâts matériels ? Un léger sourire se forme sur mes lèvres. Ça me rappelle les premières années que j'ai passées ici. Des bouts de murs par terre de West Suburbs jusqu'à la Riviera ! A l'époque, ma meilleure théorie pour vaincre le crime était encore de détruire la ville pierre par pierre... Je regarde le Lieutenant Hatsen. On m'avait averti de son arrivée, et même trop : une femme dans la maison poulagat à Depracity, c'est aussi fréquent qu'un foyer sans fusil dans ce pays ! Au moins, on ne m'accusera plus de discriminations ! Connards de journalistes blasés des crimes qu'ont rien à se mettre sous la dent ! Me reprocher de me foutre de la parité ! Moi, au moins, je ne choisis pas mes agents sur le critère du sexe mais de la compétence ! Enfin, pas la peine de pester contre ces enfoirés. J'ai du pain sur la planche.

"En effet, Lieutenant. Bienvenue à Depracity. Comment trouvez-vous notre comté ?"

Question bateau, mais nécessaire pour la suite. Je lui désigne le siège en face de mon bureau, et me rasseois, après elle. Je pose les coudes sur le sous-main et redresse une feuille de papier posée en évidence dessus. La lettre de mutation du Lieutenant. Et même pas la trentaine ! Pourvu qu'elle ne se fasse pas descendre tout de suite ; ça serait relativement jeune. Quoique, la mortalité chez les jeunes citoyens est très forte, surtout dans les quartiers de gangsta. Cette pensée me fait me rappeller de cette lettre envoyée au Gouverneur lui demandant d'utiliser l'arme nucléaire pour "éradiquer définitivement toute forme de crime dans les zones sensibles de Depracity et du comté". Il m'avait cherché, le salaud ! Passer trois semaines à me harceler pour que je gère la protection de sa fille et venir ensuite me reprocher le taux d'agressions monstres dans les quartiers pauvres ! Il a eu du mal avec cette lettre... Mon sourire revient. Puis, émergeant rapidement de mes pensées, je reporte mon attention sur le Lieutenant. Elle a l'air plus posée que Slater, moins impulsive aussi. Plus froide, certainement. On verra avec le temps, s'Il nous en donne.

"J'ai lu vos états de service, Mademoiselle Hatsen. Un parcours quasi sans faute, et si je pouvais me permettre d'y porter un jugement, je dirais qu'il est plutôt brilliant. Malgré cet écart de conduite avec cet homme des Phillipins. Je jette un nouveau coup d'œil sur le papier. Je n'ai jamais pu supporter la torture ou toute forme de souffrance infligée à autrui, et ça me fend la conscience d'avoir à vous dire que cela pourra quand même vous être utile ici. Je plante à nouveau mon regard dans ses yeux. Disons que le mieux serait d'éviter que ça arrive, mais des policiers ont déjà dû procéder à ce genre d'extrémité dans les cas d'urgence. On m'a forcé à fermer les yeux. La responsabilité en appartient au Commissaire, de toute façon."

C'est très dommage qu'une femme aussi jeune ait eu recours à ces méthodes. Regrettable. Mais moi-même, j'ai eu mes écorchures à la règle ; ça serait malhonnête de le lui reprocher plus longtemps. D'ailleurs, on a du boulot. Ianveski a omis de me parler de quelque chose, et l'avis du Lieutenant sur cette affaire m'intéresse beaucoup.

" Agité. "

C'est vrai qu'on aurait pu trouver plus calme pour ma mutation. J'avais eu le choix entre l'Alaska et Depracity, mais tout le monde connaît la police: il suffit de demander une chose pour obtenir l'autre. Je me penche légèrement en avant au son de la voix de Van Evenheim. Impossible de savoir où il veut en venir même si je devine que si je suis là, ce n'est pas pour discuter des rares merveilles architecturales de la ville.

Il me relance sur cette "torture"... Je n'aurai pas appelé ça "torture". Déjà, j'avais affaire avec un proxénète de jeunes femmes souvent mineures ... Autant dire qu'il n'appartient pas au genre de bonhomme à qui j'ai envie de dire je t'aime. Par ailleurs, le fumier avait tenté d'attenter à ma vie. Non, je n'appellerai pas cela une torture même si le bonhomme a souffert. J'aurais dit: méthode originale permise par le Talion pour récupérer des informations. Cela sonne mieux. J'irai presque dire ça au Capitaine mais la hiérarchie étant ce qu'elle est, je reste muette tout en continuant d'assimiler les informations. En clair, il n'approuve pas mon action mais est prêt à en revoir d'autres comme cela si cela s'avère nécessaire. Il me fait penser au fumier de capitaine de la Police de San Francisco pour qui ce genre d'actions n'est pas foncièrement répréhensible ... Du moment que cela lui permet de s'arroger le mérite des informations reçues tout en se débarrassant d'un Lieutenant gênant.

" Certes ... "

Qu'est-ce qu'il veut que je lui dise ? Que j'essayerai de limiter au maximum les méthodes originales ? Que nenni non point, j'en ai toute une réserve. Il me renvoie au Commissaire, au Requin, qui ferait presque la pluie et le beau temps dans la police de Depracity. Je n'apprécie guère le Requin mais je dois admettre que sa réputation et ses actions permettent de maintenir un semblant d'ordre dans la police. D'ailleurs, le cri par lequel il a appelé Slater m'a glacé le sang, je dois l'avouer ... Finalement, heureusement qu'il a choisi le bon côté de la loi, le Requin ...

" Je peux vous demander pourquoi vous m'avez fait venir ? "

La voix est ténue quoique ferme. Je ne souhaite pas m'éterniser dans ce bureau. En ce moment, je rêve d'une bonne douche et d'un bon lit mais je pense qu'il me faudra encore attendre, apparemment quelqu'un a requis mes services si j'en crois le vibreur de mon portable. A moins que ce ne soit encore une de ces publicités du fournisseur. Mon regard n'a toujours pas quitté celui de Van Evenheim et je m'efforce de paraître neutre ... De faire contre mauvaise fortune bon coeur ... Parcours brillant, on sait tous ce qu'il en est capitaine ... On sait également que, si je suis sur cette affaire, c'est qu'il n'y a aucun Lieutenant mâle de disponible ...

Peu bavarde et pressée. Et visiblement, ennuyée de se trouver ici. J'admets que je ne suis pas une mine d'intérêt mais il y a certaines choses que j'aime à faire, et il va falloir s'y habituer. Tant qu'on ne parlera pas de me remplacer, je n'aurais pas de raison pour changer mes méthodes. Peut-être aurais-je dû prendre des gants, tout de même, pour évoquer l'épisode où elle tenait le rôle du bourreau... Sa réponse mystérieuse pouvait bien révéler de l'indifférence autant que des regrets ou de l'amertume. Ça ne serait pas une bonne idée, mais alors pas du tout, de me faire mal voir par cette jeune femme... Elle m'a l'air, au premier abord, compétente et je dois m'assurer qu'au moins Slater ou elle soit assez honnête et professionnel pour la suite. C'est mal parti si je ne décroche pas leur confiance. Bref, si elle doit me détester, qu'il en soit ainsi. Mais que cela ne vienne pas perturber notre combat pour l'ordre.

A sa dernière phrase, immobile, un bras posé sur le bureau, l'autre tenant encore son papier de mutation que mes yeux parcouraient machinalement, je tournai ces derniers dans sa direction. Puis, me laissant tomber contre le dossier de mon siège, je lui répondis :

"Il me semble que vous travaillez sur l'affaire Taylor, dont on m'a brièvement rapporté l'occurrence. Je souhaite connaître votre point de vue sur cette enquête et connaître les pistes que vous envisagez."

C'est un peu cynique de prendre cette histoire de meurtres pour une mise à l'épreuve ; mais si elle aboutit, la pègre en prendra un sale coup dans la ville. Il faut qu'elle aboutisse. Je jette un rapide coup d'œil sur un post-it qui traînait sur mon bureau, où j'avais griffonné quelques mots pendant le rapport de Ianveski. Il avait omis de me préciser quelque chose.

"Ah oui, et pendant que j'y pense, que savez-vous sur Mr. Barton ?"

Point.

" Comme vous l'avez dit, je n'ai que des pistes. Tout a été consigné dans mon rapport mais pour faire bref, on a non pas un meurtre mais une tentative d'intimidation. Connaissant le "tueur", il aurait voulu tuer Taylor, il y serait arrivé ... Apparemment, tout concourt pour dire qu'il est également celui qui a tué Samuel Toole. Je n'en sais pas plus ... "

Absolument parlant, c'est vrai ... Je n'en sais pas plus. J'ai quelques autres pistes, mais rien de concret tant que Nikolai ne m'aura pas renseigné sur le lobby catholique. Plutôt que de faire des supputations vaseuses, restons dans le domaine du strictement professionnel.

" Concernant M. Barton, je ne sais de lui que ce que j'ai vu. Vous me demanderez des impressions, je vous dirai que c'est un homme courtois, posé, poli et en litige certain avec M. Taylor. C'est également quelqu'un qui a peur du lobby catholique dans lequel se trouvait Taylor. Quant à savoir s'il est réellement objectif sur cette affaire, seule mon intuition me permettrait de dire oui. "

Pour répondre strictement aux questions, je suis championne. S'il souhaite d'autres informations, il lui faudra demander plus explicitement. J'ai à rendre mes comptes au commissaire. Après tout, c'est lui qui m'a chargée de l'enquête et je n'ai en face de moi que le capitaine et quand je vois la gueule du service ....

" Mes réponses vous ont satisfait, Capitaine ? "

"Tout à fait, Lieutenant. Je vous remercie infiniment ; à très bientôt, j'espère, et bon courage pour votre enquête !"

Je me lève et lui tends la main par-dessus mon bureau. Ainsi donc, M. Barton peut faire office de suspect, puisque, sans vouloir mettre en cause l'intuition d'Hatsen, rien ne prouve qu'il soit blanc là-dedans.

Autre chose avait attiré mon attention : le lobby catholique qu'elle avait mentionné. Ianveski en avait parlé aussi. Ce doit donc être un élément important. Je n'avais pas la connaissance de ce lobby auparavant, je devrais peut-être en parler à notre clerc... Cela m'intrigue, comme à chaque fois que le religion intervient dans le travail. Mais avant toute chose, passer chez le Maire. Cette enquête sonne trop vraie, mais elle vaut la peine d'être menée jusqu'au bout. Je précise à Hatsen qu'elle pourra compter sur moi au cas où elle aurait besoin de mobiliser des forces ou moyens supplémentaires. Indispensable.

" Merci, Capitaine. A bientôt. "

J'attrape sa main et la serre assez froidement. Je sens comme de la réticence dans son interprétation de mes derniers propos ... Peu m'importe. Il est temps de regagner mon domicile et de me refaire un visage humain.

Concluant l'entretien, je sors de son bureau d'une démarche assez souple, qui irait très bien à une demoiselle commune, ... mais qui sied beaucoup moins à un lieutenant femme dont l'habitude est de se balader avec des fringues de sécurité et des cheveux détachés. Comme quoi ...

Je sors du commissariat et rejoins mon domicile. A pieds ... Je n'ai pas encore eu le loisir de m'acheter un véhicule mais cela ne saurait tarder. Me voila pour le moment en direction de mon "foyer" où je rencontrerai Ianveski et Woodward. Je profite de la marche pour jeter un coup d'oeil au message.

Ianveski justement ... Qui a eu du nouveau semble-t-il ...

Fort bien donc, on verra ce qu'il a à me dire ... Plus tard dans la journée, pour le moment, ma nuit blanche, la morgue, le rapport et le bref entretien avec le capitaine m'ont passablement lassée.

Le Lieutenant sortit. Je me laissais alors m'effondrer contre le dossier de mon siège. Ça serait bon que je dorme un peu, je ne dois pas être nerveux dans des situations comme celles-là.

Tout d'abord, je me fais incendier par le Requin après une nuit de combat urbain et une saisie de drogue qui atteint des records, puis je rencontre le gros de l'équipe qu'on m'a confiée et qui n'arrive que maintenant, depuis le temps que je la demande... Et enfin cette menace terroriste et le cas Taylor, qui rejoint celui de Samuel Toole. J'ai toujours aimé ce qui pouvait me sortir de la routine. En premier lieu, je dois aller chercher du matos. Je pense que ma sécurité est de moins en moins assurée par la menace de représailles dont on s'est servi comme repousse-nuisibles. Et avec ce que je prévois de faire, j'ai intérêt à être paré. Il y a quelques magasins en ville qui pourront me satisfaire. Je vais me refaire une santé ; comme en Albanie... Puis je filerais chez Atkins. J'en profiterais pour prendre des nouvelles de sa déclaration de guerre au milieu.

Je soupire longuement puis me redresse. Je range le dossier Hatsen dans l'un des tiroirs de mon bureau que je verrouille. Ils le sont tous, de toute façon. Je me lève et traverse la pièce dans la semi-obscurité où elle est plongée, attrape ma veste et l'enfile lentement, les yeux plongés dans le vide. Encore une journée passée à traquer des criminels que d'autres viendront remplacer si ce n'est pas déjà fait. Enfin, je sors d'un pas rapide, après avoir tâté mon arme dans son holster.

"Deva, si on cherche à me joindre, qu'on m'appelle sur mon cellulaire. Mais uniquement si c'est important !

- Oui, mon Capitaine."

[Arrivée au Commissariat : Suite]

Je suis l'homme du regard et l'accompagne dans mon bureau. Un coup d'œil rapide à Deva, et un signe de tête pour lui indiquer qu'il n'y avait rien d'anormal à signaler. Griffin a l'air clean, du moins pour le moment. Mais qu'il ne se leurre pas ; je le surveille encore.

Je ferme la porte. Deva pourra de toute façon s'assurer de tout ce qu'il se passe à l'intérieur grâce à la discrète caméra dont le terminal sécurisé se trouve sur son ordinateur. Je passe derrière mon bureau et lui fais signe de prendre le fauteuil. J'en fais de même.

La NSA ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? On ne m'avait pas prévenu... Et le Requin m'en aurait parlé, s'il avait été au courant. A moins que cela cache quelque chose... Enfin, toujours est-il que tant que ce type me paraîtra louche, je ne lui ferais pas une once de confiance. Je n'ai jamais été trop généreux avec ma confiance et c'est sans doute pour ça que je suis encore en vie aujourd'hui. Je croise les doigts et plonge mon regard dans celui de mon interlocuteur.

- On ne m'a pas averti de votre mutation, Monsieur Griffin. Mon ton est sec mais n'a rien d'agressif. J'aimerais d'abord vérifier vos papiers, badge, ordre d'affectation, etc, si vous le voulez bien, avant de répondre à votre question. Et je vous demanderais d'en répondre à une : pourquoi vous êtes-vous fait muter à Depracity et quelles activités devez-vous mener ici ? Je vous demande d'être sincère.

Excès de paranoïa ? Non... On ne sait jamais...

- Et j'ajouterais une petite précision : appelez-moi Capitaine. Je ne suis pas encore Commissaire, mais si c'est lui que vous désirez voir, je vous prierais de répondre en premier lieu à mes exigences.

Je sens leurs regards peser sur moi. J’sais pas, ils s’attendent peut être à ce que je leur sorte un uzi de sous mon T-Shirt et que je les dézingue tous les deux dans la seconde, le tout en ayant bien sur posé deux trois bombes aux quatre coins de leur commissariat. Je m’imagine bien sortir tranquillement du bâtiment juste avant que ça ne saute. Ca fait un peu film d’action moyen tout ça. Je m’égare …

Je m’assoies sur le fauteuil qu’on me propose. Ils sont moins confortables que ceux de mon ancien bureau, mais bon, pour le temps que j’vais passer ici de toute façon… Oh ? La police pas prévenue de mon arrivée ? Quelle surprise… ‘fin bon si les flics étaient bien informés, ça se saurait… Il a vraiment l’air super heureux de m’voir là le commissaire. Capitaine ? Ah bon ? Bon okay bah capitaine alors.

Je sors le badge de ma poche, lui présente puis regarde ma montre.

« Le reste devrait arriver d’ici une petite dizaine de secondes. »

Mon visage affiche un demi-sourire que je ne peux pas réprimer, comme toujours en ces occasions. C’est là que je me dis que, vraiment, j’aime mon métier.

*Six… Sept…Hu…*

Le fax se déclenche. Parfait, ils ne perdront jamais la main.

« Ensuite, pour vous répondre, j’ai été muté ici parce que Depracity reviens un peu trop dans les conversations ces temps ci. Drogue, blanchiment, drogue, prostituées, sans oublier meurtres, braquages et autres joyeusetés. En d’autres termes, je viens vous aider, vous et votre commissaire, à nettoyer un peu la ville. Et peut être faire un peu de ménage au niveau des affaires internes aussi… Bref, j’aimerai donc votre point de vue sur la situation. »

Je ne cille pas en entendant le fax se mettre en marche. Je dépose seulement mon regard sur l'appareil. L'en-tête marquée du sigle de l'agence apparut, dissipant mes doutes déjà altérés par le badge que j'ai pris le soin de détailler. Je n'aurais pas besoin de lire le document tout de suite ; mais je me dois cependant de rester méfiant à l'égard de Monsieur Griffin, n'importe quelle organisation un tant soit peu organisée pourrait s'arranger pour me faire parvenir un papier soi-disant officiel ou dupliquer un badge... On a déjà vu la CIA avoir recours à ce genre de pratiques pour parvenir à ses fins. Et, étant du côté de la justice, mon rôle est aussi de lutter contre la CIA quand j'en ai l'occasion. La NSA, à présent... Un coup de main ne ferait pas de mal, mais avoir un seul espion à disposition est très léger. Mais mieux que rien.

- Très bien, Monsieur Griffin. Veuillez excuser l'accueil un peu brutal et ma méfiance, mais vous apprendrez vite qu'ici, on a tendance à disparaître trop vite pour avoir trop parlé. Si vous avez eu un avant-goût de l'ambiance en ville depuis votre arrivée, ça ne doit pas être grand-chose. Si vous comptez rester un moment parmi nous — et si on vous le permet — vous découvrirez que chaque seconde qui s'écoule de votre vivant est un miracle. Ne vous attendez pas à ce que je dresse un tableau blanc, vous seriez déçu.

Pour commencer, la situation de Depracity est liée à son histoire, qui a toujours été composée de violence avec pour seule législation la loi du plus fort. Aujourd'hui, vous ne trouverez pas une rue sans ses caïds, un quartier sans son gang. Les trafics d'armes et de stupéfiants représentent un pourcentage important des échanges commerciaux du comté. Les meurtres sont quotidiens, les vols encore davantage. La police est débordée en permanence, à cause du manque d'effectifs. L'ombre de la mafia est omniprésente, mais à l'heure actuelle, nous n'avons pas encore réussi à poser une identité sur ses dirigeants, bien que nous pensons connaître leur quartier général. La corruption est répandue à un niveau vertigineux. Mais tout ça, vous vous en rendrez mieux compte par vous-même.

Je vous avais promis un tableau noir, et cependant, je vais évoquer quelques tâches moins sombres : le Maire de Depracity, Leonard Atkins, est quelqu'un d'intègre qui est parti en croisade contre le crime, bien avant son élection. Je l'aide du mieux que je peux, et le Commissaire fait un excellent travail, mais nous nous retrouvons relativement isolés. Il y a un bureau du FBI en ville mais les Fédéraux se font très discrets et en sortent rarement, tout comme les soldats de la base aérienne qui se trouve non loin, dans la Lande. Pourtant, l'agent McGregor est décrit comme un homme d'action... Enfin, c'est ce qu'il y a de marqué sur la paperasse. Toutefois, nous parvenons à obtenir des résultats satisfaisants ; maigres, peut-être, mais qui permettent de maintenir un semblant d'ordre dans certaines zones de la ville. Mais en règle générale, aucun citoyen ne peut se sentir à l'abri, et la peur cloue la plupart d'entre eux, ce qui gêne la progression de la justice. Vous avez des questions ?

Je prend une longue inspiration. J'ai horreur de dresser un portait de Depracity ; cela me donne l'impression que mon travail tourne en rond, que rien n'avance... Non, ce n'est comme ça qu'il faut penser ! Bien sûr que ce que je fais, comme tous les autres policiers sûrs, est utile à la ville ! J'espère sincèrement que Griffin pourra conserver son intégrité suffisamment longtemps pour faire tomber de nouvelles têtes, de nouveaux gangs, qui méritent de respirer derrière des barreaux de métal jusqu'à la fin de leurs jours.

Ah ça y est, le voilà lancé. La situation qu’il dépeint semble effectivement assez tendue, voir pire. Mais où j’suis tombé ? Bon au moins c’est clair qu’ici, on va pas s’ennuyer, vraiment pas. En tout cas, il a l’air d’avoir besoin d’aide notre ami le comm… capitaine. Ils doivent être vraiment dépassés si tout le bordel qu’il me décrit n’est pas exagéré. Ca sent le paquet de nœuds à plein nez tout ça… Mais bon, rien de fondamentalement insurmontable, surtout avec le champ d’action de la NSA qui devrait débloquer un peu les choses, faire pencher la balance quoi.

Après son monologue, je réfléchi quelques secondes avant de répondre, ou plutôt de penser tout haut :

« Je vois… Cela va prendre quelques jours avant que je ne sois entièrement au courant de la situation, mais déjà, j’aurais besoin du maximum d’éléments concernant les principaux agissements illégaux disons… Des deux mois passés, ainsi que les noms des personnes que vous avez arrêtées, retrouvées mortes ou que vous soupçonnez. Rien qu’avec cela je pense que j’aurais pas mal de matière pour commencer… Mais avant de commencer les actions concrètes, il faut que je cerne la situation du mieux que je peux.»

Mes yeux se perdirent dans le vague tandis que je réfléchissais. Démêler la situation, connaître leurs habitudes, leur hiérarchie, les conflits, les enjeux, les lieux où ils se réunissent, et si besoin se servir des uns contre les autres… Ah, et enquêter sur chacune des personnes que je côtoie, chaque nom qui apparait sur les dossiers. Si la corruption est si répandue, peut être le Capitaine lui-même est un pourri. Faire le ménage chez les flics, laver la mustang et changer les cordes de…

*Merde Cameron, concentres toi !*

Les armes. C’est ça qu’il faut essayer de démanteler en priorité, le trafic d’arme. Réduire leur accès aux armes, c’est les pousser à commettre des erreurs. Sans armes, ils peuvent moins se permettre d’attaquer et moins de défendre.

*Ouais, mais ça peut amener des alliances, ou au moins des accords entre gangs qui ne sont pas forcément les bienvenus, vaudrait mieux qu’ils se flinguent entre eux histoire de faire le ménage.*

Pas si des civils prennent des balles…

Je sortis de ma torpeur pour poser à nouveau une question :

« Avez-vous une idée du nombre de fédéraux présents à Depra ? »

- Non, pas précisément. On m'a parlé de l'agent MacGregor et j'en ai rencontré un autre lors d'une opération qui s'est révélée fructueuse, il y a de ça un petit moment... Aucune nouvelle de lui depuis ; je suppose qu'il est mort à l'hôpital. Excepté ces deux-là, je n'en vois pas d'autre.

Il demande un rapport complet... Pense-t-il que ses parties sont en or parce qu'il a un badge de la NSA ? Calmos, pépère, je ne suis même pas encore sûr de toi ! Cependant, s'il s'avérait que tu étais réellement ce que tu prétends être et que tu es compétent, tu pourrais te révéler très utile... Et encore, c'est un euphémisme...

- En ce qui concerne le dossier que vous me demandez, je vous demanderais de patienter quelques jours, le temps pour nos archivistes de vous le composer. Je vous le ferez porter à votre adresse, si vous voulez bien me la laisser. En attendant, vous avez le champ libre ; promenez-vous, découvrez la ville et ses habitants — mais portez toujours votre arme sur vous. Si vous découvrez quelque chose, enquêtez à votre aise, mais tenez-moi au courant ; je pourrais éventuellement vous fournir des informations et un soutien si nécessaire. Mais par-dessus tout, ne vous faites pas remarquer.

J'appuie fortement ma dernière phrase, accompagnée d'un froncement de sourcils et d'un coup d'œil qui souligne l'importance de ce que je viens de dire. Un joker vient de m'être présenté, et s'il est clean, Il sait ô combien il me sera précieux... En présumant qu'il ne se trahira pas d'ici-là...

- Autre chose, Monsieur Griffin ?

Si je ne sursaute pas en voyant la porte s'ouvrir brusquement, j'ai quand même un haut-le-corps. Je m'attendais à voir débouler un homme ceinturé d'explosifs et brandissant un AK-47, décidé à faire parler de lui... Je ne m'était en aucun cas attendu à voir le Maire... Et davantage à ce que Deva ne me bipe pas pour m'avertir. Je devrais réfléchir à ça ; s'il s'était vraiment agi d'un homme ceinturé d'explosifs...

Valentin, tu t'étais promis de ne plus laisser les clichés de l'information influencer ton jugement...

Je constate que le Maire doit avoir des choses importantes à me dire ; le fait qu'il ne s'arrête pas de la porte à mon bureau, le fait qu'il ne me salue pas, qu'il ignore Monsieur Griffin, indiquent que ces choses importantes ne doivent pas attendre. Son ton seul aurait suffit. Je m'adosse contre mon siège en le regardant entrer, puis pose mes yeux sur Griffin. Je le congédie en lui précisant qu'il saurait où me trouver au besoin. Une fois sorti, je me lève et fixe Leonard, d'un air grave et interrogateur.

Serait-il en danger ?

"Si mon bureau constitue un endroit suffisamment discret à vos yeux, nous pouvons parler ici, Monsieur Atkins ?"

Je lui désigne le siège laissé vide par l'agent.

"Bien, donc il ne faut donc pas vraiment compter sur l'aide d'autres fédéraux dans ce cas. Cela comporte des avantages comme des inconvénients cependant... Enfin, peu importe."

Les dossiers seront prêts dans quelques jours? Bien. J'espère juste qu'il n'en profitera pas pour enlever quelques petites choses qui pourraient s'avérer gênantes pour le commissariat...
Si la ville est aussi pourrie qu'elle le semble, il faudra aussi que je trouve les pourris au sein de la police, en suivant l'ordre hiérarchique...

La vache, les vacances, ça va vraiment pas être pour tout de suite. Enfin bon, au moins, je vais pas m'ennuyer. Et puis c'est pas comme si il y avait autre chose à faire ici...
Je réfléchis quelques secondes aux autres questions que j'aurais à poser, mais rien ne me vient à l'esprit qui ne demande beaucoup de travail avant de pouvoir obtenir la moindre réponse.

"Eh bien non je ne vois rien d'autr..."

La porte s'ouvre à la volée, et je me retourne vivement, regardant en direction de celle ci. Okay, donc à Depracity, frapper aux portes n'est pas nécessaire...
Voilà qu'entre un homme qui semblait visiblement important, distingué et... plus qu' énervé, je me retourne vers Van Evenheim.

Je m'attendais à le voir liquéfié dans son fauteuil après cette entrée fracassante et inattendue, il n'en est rien, il avait un visage un peu inquiet peut être, mais il ne laissait pas transparaître plus.
Pourtant il semblait plus que tendu quand je suis entré, tout à fait normalement, il y a quelques minutes... J'en conclut qu'ils devaient se connaître et avoir un minimum de confiance l'un en l'autre puisque ni le Capitaine ni sa secrétaire n'avaient sortis leurs armes...

Je me lève et tends ma main pour saluer l'individu qui semble avoir pris conscience qu'entrer ainsi dans un bureau, et de surcroît celui du capitaine est assez osé. Surtout quand il est déjà avec quelqu'un...

Ne lui tenant pas rigueur, après tout notre entretient arrivait à sa fin, je propose le fauteuil au nouvel arrivant. Le Capitaine semble vouloir me mettre dehors désormais... Ces deux là doivent avoir quelques affaires à régler, et je compte bien rester pour savoir de quoi il est question.

"Excusez moi Capitaine, mais je viens de prendre me fonctions dans Depra, et en tant qu' Agent Fédéral, je me dois d'être au courant de tout ce qui pourrait se passer d'urgent dans Depracity. Et ça commence dès maintenant."

Puis, m'adressant aux deux hommes:

"Donc si ce que vous avez à traiter n'est pas, comme je le suppose, d'ordre personnel, je compte bien rester. Il se pourrait même que je vous soit d'une certaine aide."

Voilà Cam' s'imposer tout en finesse et force à la fois. Impeccable. Se rendre indispensable ou presque, encore un bon point.











[HRP] Je sais que j'ai une bonne excuse à chaque fois et que ça devient saoûlant, mais cette fois, les partiels m'ont tenu à l'écart du RP, désolée[/HRP]

Il me tend la main, mais je sens bien que c'est pour ne pas manquer de politesse, par pure convention... Sa question me rappelle que je ne me suis pas présenté à lui, bien que je me sois imposé dans leur petite discussion.

"Griffin, Cameron Griffin."

Et merde. Faut que j'arrête de regarder la télé, je prends de mauvais réflexes. Et en plus j'ai pas d'Aston Martin moi... Bref.

Parcontre hors de question qu'il sache pour qui je travaille. Pas tout de suite, il faut au moins que je connaisse son identité et sa fonction aussi; il semble assez important pour entrer dans le bureau du Capitaine de cette façon, certes, mais ça mérite encore quelques précisions... Ainsi j'en viens à retourner la question:

"Et vous êtes?"

Je laisse Leonard décider si la présence de Griffin va le gêner. Bien qu'il ne le connaisse pas ; il n'a aucun moyen de savoir s'il est sûr ou pas. Pour tout avouer, moi non plus. Je ne le connais que depuis quelques minutes...

"Monsieur Griffin, je vous présente le Maire de Depracity, Leonard Atkins, en qui j'ai toutye ma confiance. Leonard, Monsieur Griffin vient de nous être envoyé par la NSA, avec la tâche de nous aider dans notre combat quotidien. Je lui exposais à l'instant l'atmosphère de Depracity ; si vous pouviez y ajouter votre point de vue, ça n'en serait que bénéfique pour lui."

Puis, je porte mon attention sur le journal que m'a présenté Leonard. Bien sûr que je ne l'ai pas lu. Le travail ne m'en laisse pas vraiment le temps. Et lire des articles rédigés par une main trop subjective pour être honnête ne m'a jamais tenté. Les journalistes manipulent la pensée des gens en triant et modelant les infos à leur guise, font et défont les préjugés, les opinions... L'information domine le monde, en quelque sorte.

Mais pour le Maire, pour un ami, je suis prêt à faire ce sacrifice. Je tourne le journal d'une main pour mettre le texte dans un sens favorable à ma lecture, et parcours les titres. O'Sullivan est pitoyablement décrit comme un salaud... Ce même O'Sullivan, dont nous sommes devenus quasiment certains qu'il a pris la succession de Sam Green. Et qui est peut-être même son assassin. Présent dans les hautes sphères de tous les établissements détenus par l'ancienne mafia, très riche, et très discret. Pour moi, il n'y a plus l'ombre d'un doute. En repensant à toute l'énergie que j'avais dépensée pour coincer Green — pour rien, finalement —, je repère l'édito, et devine immédiatement que c'est ce que Leonard voulait porter à mon attention. En parcourant les quelques lignes, unn vieux dossier salé émerge de ma mémoire... J'avais misé beaucoup sur ce dossier. Je reprends la parole, sans redresser la tête.

"Je me souviens de cette affaire. Un massacre et un Sourire du Diable, chez un certain Thomas Taylor. Je vous en avais parlé. Le Lieutenant Hatsen et deux Inspecteurs avaient été placés sur cette enquête... Quand ils étaient encore des nôtres."

Pas de nouvelles de ces trois flics depuis un bon moment... Un sacré tempérament, cette Hatsen... Je me souviens que j'avais personnellement parlé à Leonard de cette affaire, dans son bureau. L'agression de M. Taylor et de ses hommes pouvait avoir un lien avec l'assassinat de l'ancien Maire, et le succès de cette enquête aurait donné un nouveau coup de vent à cette ville... Malheureusement, tout est tombé à l'eau. Et Leonard va payer le prix de notre échec.

"Ce n'est pas la première fois qu'un incident de ce genre survient à Depracity, mais vu comment l'article est rédigé, il est clair que l'on s'en sert pour attaquer votre politique. Il peut s'agir de déçus, d'opposants ou d'ennemis... Je serais plus tenté par la troisième option, bien que ce soit la plus mauvaise pour nous. Quel est votre avis sur tout ceci, Leonard ?"

Le mieux serait d'enquêter au Depra Epitaph pour remonter à la source de cet article. Ça serait dangereux, on pourrait nous accuser de faire obstacle à la liberté de la presse... Mais après tout, nous sommes à Depracity, et c'est le Capitaine Van Evenheim qui décide quelles méthodes sont les bonnes ! Je lève la tête vers Griffin et lui propose de rapprocher le siège qui se trouvait près de la porte.

"Il se pourrait que nous ayions besoin de vous, en effet."

Eh oui, comme quoi les vieilles affaires ont la peau dure. Les trois personnes se retrouvent en face de certains de leurs échecs les plus cuisants. Une croisade du crime à peine entamée, un immeuble en flammes pour tout décor. Pas très ragoutant tout ça. On entend quelques bruits dans l'enceinte du commissariat. Des menaces de plainte devant une haute cour. Ca reste brouillon, on se demande ce qui se passe, une effervescence en plein lieu sacré. Etrange, étrange et ça ne manque pas de faire se dresser les cheveux sur la tête des trois pontes ici présents.

Un éclair vif de lumière, puis un autre, une silhouette pénètre confusément dans le bureau, un troisième. La silhouette est suivie de la secrétaire et de deux agents de police. La secrétaire personnelle de Van Evenheim s'excuse alors que les trois personnes du bureau ont encore la vue brouillée par le flash aveuglant.

" Excusez-moi, messieurs, mais je n'ai pas pu l'empêcher de venir jusqu'à vous. Il me dit qu'il avait la carte du directeur du Depra Epitaph et qu'il allait nous poursuivre devant la Juge si nous ne le laissions pas rentrer. Je voulais vous prévenir mais il a couru vers votre bureau, arguant de je ne sais quelle liberté de la presse. "

Foutus journalistes, dès qu'ils ont une carte blanche d'un ponte des médias, il faut qu'ils jouent aux fouilles-merdes ... Encore plus lorsqu'il s'agit de jeunes premiers comme lui avides de scoops et de gloire. Comme si la mention de leur nom au sommet des charts allait suffire à leur assurer prospérité et gloire ad vitam eternam. Manquant décidément de toute politesse élémentaire, le jeune con en imperméable brun prend la parole et commente lui-même son propre exploit tout en rédigeant fébrilement des notes

" Nous voici donc en présence des trois nouveaux gros dossiers de la ville. Messieurs Van Evenheim, Griffin et Atkins. Ou la saga d'un échec cuisant. "

Il connaît chacun des noms, n'hésite pas à les employer, ne réfléchit apparemment pas et parle tout d'une traite. Il semble sûr de lui

" Nous voici en direct d'un conseil de guerre après l'explosion d'un immeuble des Quartiers Sensibles qui n'est pas sans rappeler celle d'une maison d'un ex-leader du lobby ca... "

D'un coup, il semble beaucoup ... beaucoup moins sûr de lui.
Comme s'il en avait dit trop.
Son regard se pose alternativement sur les trois personnes avant de se fixer sur Van Evenheim, seule personne pilier de ces deux affaires, après s'être cependant attardée sur M. Atkins.
Derrière le journaliste, l'un des agents sourit et referme la porte du bureau. Deux ombres se dessinent dos à la porte. Les deux agents se sont spontanément mis de faction devant le bureau de Van Evenheim, celui-ci est "en rendez-vous et ne doit être dérangé sous aucun prétexte". Le bureau insonorisé est donc maintenant un véritable microcosme et le journaliste a brutalement perdu de sa superbe.

J'arrête de vivre pendant quelques secondes. Convaincu que j'étais pris d'hallucinations, ou que je m'étais brusquement endormi et que je rêvais — chose qui ne m'étonnais pas, vu le retard de sommeil que j'ai pris... Mais finalement, non, je ne rêvais pas. Je disais déjà que j'avais vu des trucs aberrants depuis ma mutation ici, mais alors que je croyais que les gens de cette ville avaient touché le fond, voilà qu'on me montre que certains continuent à creuser... Je cligne plusieurs fois des yeux, pour m'assurer que ce que je vois est bien vrai, sans vraiment faire attention à ce que disais le connard inconnu ; mon regard glisse vers Deva avec une once d'incompréhension totale. Je veux bien comprendre qu'elle n'est pour rien dans cette intrusion, je venais à peine de me dire qu'il fallait que je la briefe à ce propos. Mais là... Deux entrées brutales en moins de dix minutes dans mon bureau, je commence à me demander si la relative sécurité qu'offre le commissariat est toujours valable...

Je me rends compte au bout d'un temps que le bonhomme est journaliste. La grande question : pourquoi les gars en bas ne lui ont pas tout simplement collé un coup de pied dans le tibia et son cul sur une chaise avec l'ordre d'attendre gentiment que je sois disponible ? Bah, on règlera ça plus tard. Surtout que les hommes de son "escorte" sont loin d'être des imbéciles : la porte est maintenant fermée derrière le gêneur qui vient de prendre conscience de sa solitude. Je me redresse de toute ma hauteur, et passe lentement devant mon bureau, sur lequel je m'assois. La situation parvient à m'arracher un sourire large, et sans regarder mes deux "invîtés", je plante mes yeux dans ceux de l'importun et lui fait, d'un air faussement naïf :

"Oui ? Vous cherchez quelque chose, Monsieur... Monsieur ?"

Je fais comme s'il n'avait rien dit, et continue à le fixer en gardant mon sourire, jusqu'à ce qu'il me réponde — je sens la réponse conne. Je me rappelle ce que je pensais des journalistes juste avant qu'il débarque. Parfois, je suis presque convaincu que la Providence s'en mêle... Quelle marrante, celle-là !

Encore une autre entrée brusque...
Celui là ne semble pas avoir non plus d'UZI, mais il a quand même un certain pouvoir ici, comme tous ceux de son genre. Gratte-papier, journaleux tsss... Fouteurs de merde en un mot. Mais c'est vrai qu'il sont utiles, dans certaines situations. Il faut juste savoir les utiliser à son avantage...

Échec cuisant. J'vais t'en foutre un moi un échec cuisant... J'étais même pas encore là, comment j'ai pu prendre part à cet "échec cuisant".
Il me tape sur le système celui là, et pourtant il a pas parlé longtemps.
A voir sa gueule de petit con arrogant, il n'est pas diplômé depuis très longtemps et cherche à péter un peu plus haut qu'il a le cul. M'est avis qu'il va vite redescendre sur terre.
Van Evenheim prend la parole avant moi, dommage, j'aurais bien demandé au petit con pourquoi son supérieur s'était sentit obligé de nous envoyer un stagiaire.

*Concentres toi Cameron...
-Ouais...*

Bon c'est vrai que son arrivée sera peut-être l'occasion d'éclaircir et peut être même de régler la situation qui semble tracasser Atkins.
Je réalise soudain que le comportement d'Evenheim est carrément bizarre. Il semble très calme et posé. Il me déçoit un peu. Je l'aurais bien vu balancer deux trois coups de pieds bien placés dans l'arrière train de l'opportun. Ca m'aurait même bien plût je dois dire...

Hum... Étrange...
Je choisis de ne pas interférer pour le moment et de rester en observateur. Mais si l'occasion se présente, je serais bien content de pouvoir balancer une petite réplique saignante à notre ami le petit con de stagiaire...

Alors alors.... Si on résume, c'est un peu la merde pour le journaliste. Il ne s'attendait certes pas à une réaction calme et posée mais il regagne petit à petit sa confiance. On lui demande de se présenter, chose qu'il va faire. Il prend bien le temps de sortir sa carte de presse et de la présenter au capitaine tandis que son appareil photo pendouille lamentablement autour de son cou.

" James Donald, Depra Epitaph. Je suis envoyé pour une interview des gros pontes de la ville qui ont échoué dans leur croisade contre le crime. Donc, puisque vous me le permettez si gentiment, première question: est-ce une coïncidence que le Lieutenant Hatsen soit dépêché ET à Bull Run Street ET à l'attentat contre M. Taylor ? "

Question surprenante s'il en est sur un point de détail apparemment sans importance.